Annecy 2015, jour 3

Très cher journal, en ce jour 3, je suis vivant.

Enfin presque. Disons que quand on ne regarde pas trop, j’ai même l’air plutôt en forme. Mais on ne peut tromper l’oeil attentif et derrière ce grand sourire plein de dents, on peut voir qu’il y a un profond malaise. Car oui, ce malaise, il est profond. Pour plusieurs raisons, d’ailleurs. Peut-être déjà à cause des différents rats qui peuplent le cachot qui me sert de nid, dont j’ai d’ailleurs perdu l’autorité au cours d’une bataille acharnée dans la dernière nuit. Ou alors tout simplement à cause du rythme de travail inhumain que nous impose Anthony lors de ce festival.

On pourrait penser qu’après quelques jours à travailler d’arrache pied, à suer sang et eau sur son siège de cinéma on pourrait s’habituer à cette situation, mais il n’en est rien…

Les cernes sont creusées, le dos est courbé et c’est le regard vide que j’ouvre au chef en cette troisième matinée, alors qu’il me tend le programme de la journée à 4h30 du matin. Tout ça pour m’apercevoir d’ailleurs que je pouvais retourner me rouler en boule dans un coin, car ma première séance n’était qu’à 11h du matin.

C’est ainsi qu’après un sommeil sans rêve, un demi verre d’eau et un quignon de pain, je me dirigeais vers le Pathé d’Annecy pour découvrir Desterrada, un long métrage brésilien hors compétition.

desterrada

Desterrada fait typiquement parti de ces films du festival montrant qu’il existe une animation pour un public autre que les enfants et c’est une excellente chose. Dommage cependant qu’à mes yeux le film manque clairement de maturité. Placé dans un contexte de guerre en Colombie, le film nous fait suivre une bande de jeunes qui vont tous prendre des chemins plus ou moins différents et aux conséquences complètement différentes. Images assez dures, messages forts, le film possède un fond très chargé, ce qui n’est pas pour me déplaire. Dommage cependant qu’il mette beaucoup de temps à démarrer et que la forme pêche fortement, montrant les signes d’un budget sûrement limité.

C’est donc un peu sceptique que j’ai quitté ma séance, non sans donner un signe de tête au malabar qui vérifiait que je ne cherchais pas à m’enfuir une fois de plus. Après plusieurs journées à Annecy, je commençais à me sentir résigné, plus docile. Ce n’était pas bon, il fallait que je me ressaisisse…

J’y réfléchis donc sur le chemin de la prochaine étape de la journée, consistant en une interview en collaboration avec Nicolas avec Dylan Sisson de chez Pixar, qui anime la conférence sur le logiciel Renderman. Une belle occasion pour Anthony, qui nous surveillait de son œil mauvais, de se pavaner auprès de cette élite du monde e l’animation. Il a même montré à quel point c’était un bon chef, en offrant à tout le monde des rafraîchissements. Un rapide coup d’œil vers Nicolas m’indiqua qu’il partageait mon ressenti. Il m’accompagna d’ailleurs au moment de cracher discrètement dans son verre de coca.

En dehors de ça, l’interview s’est très bien passée. La bonne humeur de Dylan Sisson lors de ses conférences s’est retrouvée ici et il s’est fait un plaisir de répondre à nos questions. Un réel plaisir.

Pas comme la suite de la journée, où le chef de Focus nous a raccompagné au Pathé, à coups de fouet bien entendu et sans nous laisser manger, pour la séance d’Adama où on a retrouvé une Coralie à bout de force. Ce qui avait un petit côté rassurant d’ailleurs, de voir que c’est une galère qui est partagée. Ça ne guérit pas une blessure, mais ça réchauffe le cœur.

adama

En ce qui concerne Adama, ce fut une agréable surprise. Je n’en attendais pas grand chose, je dois bien l’avouer, mais le film s’est avéré très sympathique. Certes, la fin est un peu étrange et facile, mais le reste du métrage nous offre son lot d’humour et de scènes fortes, le tout dans un contexte de première guerre mondiale qu’il est plaisant de retrouver tant la chose est rare. D’autant plus rare qu’on le vit au travers d’un jeune africain découvrant les horreurs de la guerre alors qu’il recherche son frère en France.

Même si mon cœur penche toujours vers Tout en haut du Monde, je ne serais pas surpris qu’un prix finisse dans la poche du film.

Alors que nous sortions de la salle avec Coralie et Nicolas, nous eûmes l’occasion de profiter d’un moment d’inattention du gorille focusial pour nous enfuir en tout pompes. La faim nous tiraillant, n’ayant pas mangé depuis si longtemps, il fut décidé de faire une halte dans une gargote proche de Bonlieu. Un repas salutaire, dont la joie héritée ne fut que de courte durée. Alors que nous entamions le cookie du dessert, les lumières s’éteignirent et une silhouette menaçante se plaça dans l’encadrement de la porte. C’était Anthony, qui nous avait retrouvé, surement à l’aide de mouchards placés au travers de la ville. Le fourbe.

Sans dire un mot, il nous fit comprendre que nous avions fait une erreur et que nous le payerions à un moment ou à un autre. Et alors que je m’apprêtais à prendre le chemin de ma prochaine étape, le tyran me toucha quelques mots. « Ce soir, tu vas aller nous représenter chez France Télévisions. Il n’y a pas de caviar sur le foie gras, alors je n’irais pas et ce sera toi, Muriel et Nicolas qui me remplaceront. Par contre, tu me feras le plaisir d’aller acheter une chemise, il est hors de questions que tu y ailles dans ces haillons. »

J’alla donc acheter une chemise avec la maigre réserve de sonnants et trébuchants qui étaient en ma possession, avant de prendre la direction une fois de plus du Pathé pour aller voir Sabogal.

sabogal

Et Dieu qu’il fut difficile d’encaisser Sabogal. A mi parcours du festival, après une dure journée, le film me fit l’effet d’un gros chocolat bien chaud après une journée de randonnée. Même si je n’ai pas dormi (j’ai mon honneur contrairement à certains, #winkwink), il fut extrêmement difficile de ne pas piquer du nez devant ce nouveau film colombien, qui lui parlait de corruption dans le gouvernement. Thriller assez intense, mais pourtant légèrement bordélique, ce n’était vraiment pas simple d’encaisser toutes les informations qui m’étaient offerte, surtout que la forme laissait clairement à désirer.

Il serait pourtant injuste de dire que le film est mauvais, car il a tout de même de bonnes qualités, comme celle de savoir accrocher lors de quelques scènes, ainsi que de bien traiter ses personnages. Il n’empêche que je suis bien content de ne pas l’avoir vu un matin.

Pas de temps à perdre ensuite, il fallait foncer à la soirée de France Télévisions pour faire bonne figure auprès des grands de ce monde, alors qu’Anthony allait surement se la couler douce dans un quelconque bouge savoyard. Ma chemise enfilée, je rejoignais donc Muriel et Nicolas à la limousine du festival, qui nous amènerait dans un château à faire pâlir la Reine d’Angleterre. Anecdote assez comique d’ailleurs, nous étions tellement à l’aise avec mes compères que, par réflexe, nous nous sommes mis à faire le service, habitués que nous étions à subir le courroux des désirs infâmes du nabad. Ce n’est qu’après quelques longues minutes embarrassantes que nous nous sommes aperçus que nous étions finalement au même niveau que les autres.

Nous en avons donc profité pour nous empif… délecter délicatement des différents mets présents, alors que des chiens gigantesques s’amusaient à faucher des invités dans les jardins (NB : c’est drôle parce que c’est vrai.). Malheureusement, les meilleures choses ont une fin et une autre obligation nous attendait : la soirée d’ouverture du MIFA.

Nous avons donc repris la limousine pour aller à l’Impérial Palace, où nous avons retrouvé Anthony, qui nous attendait en tapant du pied. En effet, lors de ces soirées guindés, El Anthonios adore particulièrement se faire transporter en chaise à porteurs, lui permettant ainsi de toiser de sa supériorité usurpée le reste de l’assemblée. La soirée se résuma d’ailleurs à cela, c’est à dire un petit groupe d’hommes asservis baladant la grassesse oppressantes aux yeux du monde. Seul réconfort à avoir dans l’histoire, les regards un peu gênés des autres invités, ou encore les petits cadeaux de soutiens à nous autres persécutés.

Je prendrais d’ailleurs cette dernière ligne du jour pour les remercier. C’est grâce à eux que j’arrive encore à aller me coucher le soir sur ma paillasse souillée. Merci.

Et je te dis à demain, cher journal. Je vais me coucher, si le chef des rats me laisse dormir, ce qui n’est pas gagné.

Bisous baveux.

On dit souvent que les loutres, c'est cool. Et bien on a raison et même plus encore. David en est justement une, de celles qui aiment manger des kg de films d'animation et en parler par ici. On dit aussi qu'il le fait parce qu'il aime les coups de fouet d'Anthony, mais chut !

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