Première découverte au sein de la sélection officielle du Festival d’animation d’Annecy 2020, Nahuel et le livre magique est une belle aventure en animation traditionnelle qui fait la part belle aux élans mystiques et à l’entraide. German Acuna (réalisateur chilien) signe ici un premier essai au long cours plein de promesses qui aurait mérité une plus grande prise de risques narrative couplée à une palette graphique plus osée. L’essai demeure très concluant et devrait se faire une place sur les marchés internationaux !
Résumé : Nahuel vit avec son père dans une ville de pêcheurs, pourtant la mer lui inspire une peur profonde. Un jour, il trouve un livre magique qui semble être la solution à son problème. Mais un vilain sorcier, à la recherche de l’ouvrage, capture son père. Pour Nahuel, c’est le début d’une aventure au cours de laquelle il va devoir délivrer son père et surmonter ses craintes.
Le cinéma sud-américain a l’art et la manière d’attiser notre curiosité au gré de ses aventures animées. On se souvient de l’extraordinaire Garçon et le monde d’Ale Abreu qui nous venait tout droit du Brésil ou du pamphlet plein de fougue Tito et les oiseaux de Gustavo Steinberg, Gabriel Bitar et André Catoto Dias, lui aussi originaire du Brésil (et tous deux passés par Annecy). Cette année, le festival nous propose une œuvre chilienne embrassant un propos fictif moins porté sur l’écologie que les deux précédents films énoncés. Nahuel et le livre magique est entièrement tourné vers le divertissement et profite d’une animation 2D particulièrement soignée pour nous emporter dans son périple marin.
Quelque peu saccadés, les mouvements des personnages peuvent toutefois compter sur la rondeur des formes dessinées pour plaire au plus grand nombre, d’autant plus que la mise en scène porte une attention chaleureuse aux sources lumineuses. D’un trajet en bus magnifié par les traînées d’un soleil couchant rougeoyant jusqu’au périple des personnages sous un soleil radieux, les éclairages ont toute leur place dans cette entreprise cinématographique et participent à la création d’un univers mystique. Le titre l’annonce rapidement, Nahuel découvre un livre de sorcellerie (appelé le Levisterio) qu’il entend bien utiliser pour surmonter ses peurs. Ode au courage, le film de German Acuna s’inscrit dans une longue lignée d’oeuvres affirmant l’importance de la confiance en soi pour progresser.
Alors, sans grande originalité, le scénario fait du personnage principal une victime de la maltraitance de camarades intolérants (rares sont les films destinés à un jeune public qui y échappent finalement) tout comme il le confronte à la figure paternelle avec lequel il doit, dans sa quête de confiance en lui, se réconcilier. L’ensemble est cousu de fil blanc, d’autant plus que le film accuse la présence d’un antagoniste un brin caricatural (Kalku, sorte de Maléfique au masculin entouré de corbeaux). Heureusement, la mise en scène iconise le personnage démoniaque là où le scénario le cantonne à des actions prévisibles (et ce n’est pas sa disciple, La Voladora, qui permet de complexifier ce personnage seulement caractérisé pour son incidence sur le récit). Nahuel et le livre magique est un beau film qui aurait véritablement pris son envol avec des péripéties plus magiques, justement (les êtres surnaturels sont finalement assez rares, même si la séquence finale peut compter sur une présence magique digne de ce nom) ! On pense parfois aux fables nippones qui, elles, osent franchir des limites narratives bien plus surprenantes.
La linéarité narrative (peuplée de rencontres avec des protagonistes atypiques à l’image d’un homme maudit contraint de vivre sous l’apparence d’un chien) se colore d’une douce émotion, notamment dans la dernière partie du film. Convoquant la figure maternelle au cours d’une scène onirique mise en scène avec intelligence, le film dépasse la simple aventure merveilleuse. Sans aller jusqu’aux effusions lacrymales, le film en touchera plus d’un grâce aux relations entre les personnages. C’est en embrassant pleinement le pathos du récit, sans forcément l’exacerber, que le film peut convaincre.
Au final, Nahuel et le livre magique est une belle aventure animée. Fort d’une animation soignée et d’une intrigue banale mais efficace, le premier long-métrage de German Acuna plaira à tous les publics parce qu’il ne les prend pas pour des imbéciles. Sans atteindre la maestria du film aquatique Le Chant de la mer de Tomm Moore, ce long-métrage est une première satisfaction au coeur de la compétition officielle du festival d’animation d’Annecy 2020.
Critique rédigée par Nathan