Xavier Kawa-Topor et Philippe Moins ne sont pas des petits nouveaux dans le domaine de l’analyse cinématographique. Déjà à la barre d’ouvrages passionnants sur le cinéma de Michael Dudok de Wit pour Xavier Kawa-Topor (Le cinéma d’animation sensible : Entretien avec le réalisateur de La Tortue rouge) ou sur les films ayant marqué l’Histoire du cinéma d’animation (Le cinéma d’animation en 100 films aux éditions Capricci) en binôme, ils récidivent avec une étude chronologique du stop-motion de ses premières années exéprimentales aux dernières propositions en date des studios Laïka. Une lecture passionnante et conséquente s’étalant sur près de quatre cent pages mêlant analyses, repères biographiques et photogrammes. Une sortie que nous ne pouvions pas louper sur Focus !
Présentation de l’éditeur Capricci : En 2016, Xavier Kawa-Topor et Philippe Moins dirigeaient Le Cinéma d’animation en 100 films, qui s’attelait à faire découvrir, en 352 pages illustrées, les territoires de l’animation sans limite de genres, de techniques, d’époques ou d’origines. L’ouvrage était accompagné d’un second, court essai sur la question du réalisme dans l’animation (Cinéma d’animation, au-delà du réel, Xavier Kawa-Topor). C’est dans la continuité de ces projets que nous avons initié avec Xavier Kawa-Topor et Philippe Moins l’ouvrage Stop motion, un autre cinéma d’animation.
Sous-catégorie de l’animation en mal de public au XXIème siècle (les derniers scores des films éstampillés studios Laïka ou Aaardman sont inquiétants), le stop-motion a surgi aux premières heures du septième art pour lui permettre l’apparition des premiers effets spéciaux audiovisuels. George Méliès, Emile Cohl, Ladislas Starewitch, autant de noms ayant participé aux premières expérimentations de la mouvance saccadée au cœur de l’ouvrage étudié. Chronologiquement construit, Stop motion, un autre cinéma d’animation prend le temps de revenir sur les innombrables écoles du genre d’un pays à l’autre (des pays de l’Est aux productions orientales) au fil des décennies jusqu’aux dernières expérimentations en court (un chapitre entier est notamment consacré aux frères Quay et leur cinéma). Que l’on ne s’y trompe pas, l’ouvrage n’est pas un manuel visant à inculquer la pratique du stop-motion aux néophytes mais bel et bien un travail de recherche ambitieux. Rares seront ceux connaissant déjà tous les artistes présentés par les 21 chapitres composant le livre.
Recueil pharaonique de références et de repères filmographiques cohérents, l’ouvrage édité par Capricci comblera tous les curieux (qui ne manqueront pas de partir en quête des centaines de films abordés par les auteurs, notamment les moins connus) sans ennuyer les plus connaisseurs. Mêlant remarques biographiques, photogrammes illustratifs et analyses parcimonieuses de certaines œuvres, le pavé est un must-have pour tous les amateurs d’animation. A ce stade, difficile de ne pas qualifier l’ouvrage de bible du stop-motion tant le propos y est dense. Evidemment, certains artistes ne sont pas aussi développés que prévu (à titre d’exemple, les dernières productions en date des studios Laïka ne sont pas vraiment développées) mais pour conserver une longueur raisonnable (il y a tout de même plus de quatre cent pages à découvrir!), c’était nécessaire. Eloge d’une mouvance technique souvent reléguée au second plan par les studios hollywoodiens omniprésents, l’ouvrage sait en déceler les avantages multiples. Au détour d’une analyse du court-métrage Pierre et le loup de Suzie Templeton (2006), les auteurs affirment que « la diversité esthétique du stop motion, la richesse de ses matériaux, sa qualité artisanale qui fait de ses imperfections mêmes des atouts apparaissent en comparaison (avec l’image de synthèse) comme des gages d’authenticité. »
Fort heureusement, l’oeuvre-somme n’oublie pas d’aborder la prouesse des magiciens des effets spéciaux (à l’image de Ray Harryhausen) et n’hésite pas à entrer plus explicitement dans l’analyse lorsqu’est venu le temps d’aborder un film plus en détails. Certains choix plairont, d’autres surprendront, d’autant plus que les auteurs se réservent le droit de connoter leurs propos en donnant leurs avis sur certaines productions. Stop-motion, un autre cinéma d’animation est alors une bible subjectivement construite. Aurait-il pu en être autrement ? Cette subjectivité permet une lecture moins balisée que prévue. Célébration constante du savoir-faire des artistes officiant sur les entreprises en stop-motion, hymne à l’artisanat ambitieux, listing des oeuvres phares du genre : le livre est tout cela à la fois (et plus encore). Charley Bowers, Alexandre Ptouchko, Jiri Trnka, Tadaito Mochinaga, Jan Svankmajer, Peter Lord et tant d’autres encore vous (re)viendront à l’esprit au fil des chapitres et vous n’aurez plus qu’une seule envie : découvrir toutes les oeuvres exigeantes et passionnantes que vous ne connaissez pas encore ! Parachevé par un abécédaire définissant les termes techniques, l’ouvrage finit de convaincre (et s’ouvre aux lecteurs de tous horizons).
Finalement, nous vous invitons vivement à vous procurer ce bouquin phare sur le stop-motion. Lorsque vous le refermerez, vous n’aurez plus qu’une envie : (re)découvrir les tonnes de films présentés par des auteurs manifestement passionnés pour abreuver votre soif d’animation artisanale (d’autant plus qu’il y a peu de chances que vous connaissiez déjà toutes les œuvres traitées). Porte ouverte vers la redécouverte d’un pan entier de l’Histoire cinématographique, Stop-motion, un autre cinéma d’animation est une réussite dont vous auriez tort de vous priver !
Chronique rédigée par Nathan