(Critique) Anzu, chat-fantôme de Yoko Kuno & Nobuhiro Yamashita

Avec un palmarès de sélections prestigieuses – festival de Cannes, festival d’Annecy – Anzu, chat-fantôme avait de quoi nous intriguer en amont de sa sortie à la fin de l’été via Diaphana Distribution. A l’arrivée, le long-métrage de Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita ne tient pas toutes ses promesses même s’il possède un capital sympathie (et marketing) gigantesque avec son protagoniste félin anthropomorphique. 

Résumé : Anzu, chat-fantôme raconte l’histoire de Karin, 11 ans, abandonnée par son père chez son grand-père, le moine d’une petite ville côtière de la province japonaise. Celui-ci demande à Anzu, son chat-fantôme jovial et serviable bien qu’assez capricieux, de veiller sur elle. La rencontre de leurs caractères bien trempés provoque des étincelles, du moins au début…

(c) Shin-Ei Animation, Miyu Productions, 2024

Bienvenue au pays de la douceur et du fantastique chaleureux. Comme Mon voisin Totoro en son temps (impossible de ne pas y penser !), le film de Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita fait du fantastique une porte d’entrée vers le monde spirituel plutôt qu’un sujet d’inquiétude pour les personnages. A travers une palette colorimétrique d’une douceur infinie, l’esthétique du film se met au service d’une histoire simple au possible mais infiniment touchante, surtout dans son dernier virage narratif. Le surgissement d’Anzu, chat à taille humaine agissant et parlant comme un être humain, se fait sans surprise, à l’image d’un univers mêlant réalisme et merveille accepté par tous. Lorsque le chat est arrêté par la police lors d’une balade en moto, cela ne surprend pas les agents, manifestement habitués par l’irrationnel. En cela, le film est d’une originalité folle puisqu’il fait cohabiter les mondes terrestre et spirituel dans une harmonie rassurante. Le film fait ainsi corps avec les philosophies spirituelles des peuples asiatiques.

Une dimension rassurante nécessaire à Karin, l’héroïne de cette histoire. Une jeune fille délaissée par un père pathétique, débordée par ses problèmes financiers, mais qui assume pleinement la maturité nécessaire à sa survie. On constate alors que l’histoire se fait attendre tandis que l’on suit le quotidien d’Anzu et de Karin, avec intérêt, mais sans engouement narratif. Sans poser de véritables enjeux avant son dernier acte, Anzu, chat-fantôme risque d’ennuyer une partie de son public, même si les deux héros rencontrent d’autres êtres fantastiques (qui ne servent pas à grand chose dans l’intrigue). A chaque fois qu’une scènette donne à voir un semblant d’intrigue, le scénario prend un malin plaisir à le tuer dans l’oeuf. Les thématiques sont nombreuses – le deuil, l’abandon et la charge parentale, les jeux d’argent – mais il faut attendre une plongée littérale dans l’autre monde pour qu’une forme de suspense surgisse dans le coeur des spectateurs. 

(c) Shin-Ei Animation, Miyu Productions, 2024

Avec humour, le passage vers le monde spirituel – une cuvette de toilettes luminescente – emporte nos héros vers une quête longuement préparée par les échanges ayant précédé. En embrassant finalement la fantasmagorie de son propos, Anzu, chat-fantôme devient enfin ce qu’il devait être : un regard décalé sur le monde des esprits et le travail du deuil. Trop en dire serait gâcher le plaisir de cette oeuvre atypique mais d’un seul coup, le film prend de l’ampleur et s’élève dans une course poursuite spirituelle. L’écriture prend alors de la hauteur pour contrecarrer la tonalité majoritairement enfantine du film jusque-là, à grands coups de pets et de scénettes quotidiennes. Anzu a un immense capital sympathie (et commercial !) mais il s’adresse parfois trop au jeune public dans une histoire portant pourtant une dimension universelle. 

(c) Shin-Ei Animation, Miyu Productions, 2024

Vous l’aurez donc compris, Anzu chat-fantôme n’est finalement pas le chef d’oeuvre espéré même s’il répand une douceur qui fait du bien au coeur tout au long de son histoire. Fable sur le deuil et la nécessité de poursuivre sa vie sans l’être disparu, le long-métrage souffre d’un rythme narratif lancinant qui l’empêche de prendre son envol à temps. Mais le dernier acte en met plein la vue ! 

En salles le 21 août via Diaphana Distribution

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

Laisser une réponse:

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Site Footer