Que de rebondissements pour la sortie du nouveau long-métrage d’animation Disney Animation. Victime collatérale d’une bataille au sujet de la chronologie des médias, il n’aura finalement pas eu droit à une sortie en salles en France. C’est sur Disney+ qu’il se lance alors à la conquête du public français le 23 décembre 2022, après une carrière fort décevante dans les salles obscures du monde entier. Divertissement honnête mais ô combien balisé, Avalonia, l’étrange voyage (Strange world en version originale) n’est pas à la hauteur des attentes et ne fait que confirmer la crise identitaire d’un studio en perte de vitesse après son nouvel âge d’or des années 2010. L’aventure est divertissante et son sous-texte passionnant mais elle ne dépasse jamais le cahier des charges du studio qui embarque son public sur le tard, malgré d’intéressants choix progressistes (qui ont fait couler beaucoup d’encre en amont).
Résumé : Les Clade, une famille d’explorateurs légendaires, découvrent un monde inexploré, plein de dangers et peuplé de créatures fantastiques. Ils sont aidés dans leur quête d’un blob espiègle et de leur chien à trois pattes. Hélas, les querelles entre ses différents membres menacent de faire échouer cette nouvelle mission, qui est – de loin – la plus cruciale.
Alors que les studios Disney Animation excellent dans l’art de mettre en scène la magie des contes et des destins princiers, ils s’éprennent toujours, avec enthousiasme, de récits d’aventure et/ou de science-fiction qui leur permettent pourtant rarement d’atteindre le succès (pensez aux funestes destins d’Atlantide, l’empire perdu ou de La Planète au trésor). Avalonia, l’étrange voyage est de ceux-là, avec toutes les imperfections que cela sous-entend. Au gré d’un scénario écologique conscient des questionnements de notre société contemporaine (comme l’épuisement des ressources ou le recours aux produits chimiques en agriculture), la famille Clade s’entrechoque sous le poids des attentes d’autrui. Même si tout cela a déjà été conté des centaines de fois (le voyage dans un monde inconnu à la faune surprenante), le capital sympathie de la famille Clade est indéniable, en plus de révéler des choix modernes et progressistes dans l’écriture. En faisant de l’homosexualité d’Ethan un simple trait de la caractérisation de son personnage et non un ressort scénaristique, le film réussit là où beaucoup d’oeuvres échouent : il intègre sans trop en faire. Au contraire, le scénario préfère questionner ses beaux personnages sur le poids de la famille, poids littéralement incarné par deux statues en bronze trônant au milieu d’Avalonia et qui surplombe le jeune homme. Apprenant à composer avec les personnalités de chacun, tout en acceptant qu’une progéniture ne nous ressemble pas forcément, ces trois hommes révèlent finalement leurs différences constructives.
Le long-métrage de Don Hall et Qui Nguyen a du coeur, et c’est le cas de le dire lorsque vous découvrirez le film, mais peine à déployer une mise en scène impactante pour atteindre une émotion si chère aux studios. L’histoire se suit sans déplaisir, même si elle n’invente rien et emprunte de ci de là des schèmes narratifs, mais elle s’enlise à cause d’une réalisation rarement mémorable. Les scènes d’action sont quelconques (et répétitives, les antagonistes étant toujours les mêmes) et les instants de poésie sont bien trop souvent parasités par un humour à la banalité dommageable. Pourtant, les séquences en dirigeable au coeur d’une flore foisonnante ne manquent pas et se prêtent au jeu de l’onirisme graphique. En vérité, le film semble être réalisé mécaniquement, dans la droite lignée d’anciens projets des studios Disney Animation. On retrouve la plupart des péripéties traditionnelles (y compris dans un climax faussement désespéré) et un schéma narratif conventionnel qui entrave toute surprise, à l’exception d’un twist surprenant qui invite à la redécouverte du film. Une redécouverte assurée de toucher plus intensément son public puisqu’elle s’entiche d’une note d’intention plus claire dans l’esprit du spectateur. En révélant sur le tard la véritable quête des protagonistes, le long-métrage prend le risque d’ennuyer son public.
On ne peut compter davantage sur une partition musicale d’un académisme évident (on a connu Henry Jackman plus inspiré) ou sur de maigres hommages aux films d’exploration classiques qui font néanmoins sourire, à l’image de la séquence d’introduction mais aussi des transitions entre les séquences. Splat, le sidecick bleuté à l’étrangeté adaptée, ne cesse de rappeler d’anciens personnages animés, mais il délivre l’une des plus belles séquences lorsqu’il dirige le vaisseau des protagonistes. Le manque de prise de risques d’Avalonia est flagrant et rageant tant l’aventure désirée avait de quoi être grandiose et fascinante à plus d’un titre ! L’équipe créative, malgré tout son évident amour pour les personnages choisis et les thématiques abordés, semble s’être contentée de systèmes bien établis là où Encanto profitait des partitions contemporaines de Lin-Manuel Miranda pour nous enchanter (et se renouveler!)
Le soixante et unième classique de la firme aux grandes oreilles avait matière pour marquer les esprits, entre ses personnages touchants et sa note d’intention inscrite dans les sillons de notre époque au futur incertain. Mais à l’arrivée, Avalonia, l’étrange voyage est une oeuvre convenue qui mise tout sur son très beau twist au risque de perdre une partie de son public en chemin. Espérons que Wish, prévu pour les fêtes 2023, saura retrouver le souffle magique d’un studio qui se cherche à nouveau…