Lorsque les lumières s’éteignent dans la salle obscure et que l’on attend avec impatience l’arrivée du nouveau film de Rémi Chayé on sait d’ores et déjà que nous plongerons dans une aventure aux graphismes enchanteurs. Sans surprises, le second long-métrage du réalisateur français se révèle fougueusement moderne d’autant plus qu’il peut compter sur un enrobage pictural des plus fascinants. Le cinéma n’est pas mort, il est plus vivant que jamais et l’énergie communicative de Calamity : une enfance de Martha Jane Cannary en est une preuve indéniable. Alors au galop et rejoignez votre salle la plus proche pour le découvrir !
Résumé : 1863, États-Unis d’Amérique. Dans un convoi qui progresse vers l’Ouest avec l’espoir d’une vie meilleure, le père de Martha Jane se blesse. C’est elle qui doit conduire le chariot familial et soigner les chevaux. L’apprentissage est rude et pourtant Martha Jane ne s’est jamais sentie aussi libre. Et comme c’est plus pratique pour faire du cheval, elle n’hésite pas à passer un pantalon. C’est l’audace de trop pour Abraham, le chef du convoi. Accusée de vol, Martha est obligée de fuir. Habillée en garçon, à la recherche des preuves de son innocence, elle découvre un monde en construction où sa personnalité unique va s’affirmer. Une aventure pleine de dangers et riche en rencontres qui, étape par étape, révélera la mythique Calamity Jane.
Qu’on se le dise tout de suite : la narration de Calamity n’est pas la plus originale qui soit. Récit d’émancipation érigeant le libre-arbitre en fer de lance humaniste, le film balise un parcours convenu pour offrir à la jeune femme au cœur de l’intrigue une émancipation essentielle. Les rebondissements ne surprennent guère et les rencontres constructives au fil du périple n’entachent pas le classicisme ambiant. Pourtant, les ressorts traditionnels à l’œuvre dans le scénario permettent de construire avec intelligence la figure en devenir d’une cow-girl en avance sur son temps. Les spectateurs les plus aguerris, qui pourraient être parfois ennuyés par ce scénario emprunt de classicisme, se régaleront avec les graphismes sublimes de la production. Tout en haut du monde était déjà un essai maîtrisé mais ce nouveau cru de l’équipe épaulant Rémi Chayé est une splendeur visuelle. Plus clinquant que son aîné grâce aux décors moins glacés que le grand Nord, le long-métrage est une peinture animée merveilleusement mise en scène. Chaque nouvelle scène est un tableau de maître délicieusement chatoyant.
Les séquences ravissantes s’enchaînent, du convoi de charrettes au cœur de plaines verdoyantes jusqu’aux exploitations minières plus austères. Classiquement portée par une partition soignée de Florencia Di Concilio, l’aventure américaine est pleine de fougue graphique et musicale. Celle que l’on accuse d’être à l’origine de « calamités » est un vent d’air frais nécessaire au beau milieu d’une communauté rigide. Allant à l’encontre des conventions et n’hésitant pas à défier les codes établis (le port du pantalon en lieu et place de la robe traditionnelle en est l’exemple le plus flagrant), Martha Jane attise les foudres des conservateurs avant de trouver une oreille compréhensive auprès d’une chercheuse d’or déterminée et affirmée (doublée avec caractère par Alexandra Lamy). Le féminisme peut parfois avoir des limites, surtout qu’il n’a de cesse d’être évoqué pour promouvoir de nombreux films ces dernières années, mais il est évident que Calamity est une héroïne importante pour toutes les jeunes filles du XXIeme siècle !
On ne peut qu’être charmé par la galerie de personnages proposée par le film tout comme l’on apprécie les références disséminées au cours de l’intrigue au personnage historique qu’est Calamity Jane. Se révélant conteuse hors-pair jusqu’à la séquence finale pleine de charme, cette jeune fille moderne a déjà tout du personnage que l’on connaît bien. Même si l’entreprise cinématographique dont il est question ici ne prétend pas retracer LA jeunesse de cette femme tenace, d’où le choix de l’article indéfini « une » dans le titre, on associe rapidement ce parcours plein d’embûches à une réalité possible.
Au final, Calamity : Une enfance de Martha Jane Cannary mérite amplement son Cristal honorifique obtenu au festival d’Annecy 2020. Célébration de la liberté individuelle au beau milieu des grands espaces naturels de l’Amérique naissante, le long-métrage de Rémi Chayé est une splendeur à mettre devant tous les yeux. Dire que l’on attend son prochain projet avec impatience serait un euphémisme !
Critique rédigée par Nathan