Une fois encore, un biopic s’entiche d’animation pour mettre en scène une tragédie. Celle de la peintre Charlotte Salomon, contrainte de fuir son Allemagne natale à cause d’un régime nazi de plus en plus répressif, comme tant d’autres juifs à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Vivotant alors d’un pays européen à un autre, elle construit l’oeuvre qui la rendra célèbre à titre posthume. Sobrement intitulé Charlotte, comme pour insister sur l’humanité du personnage avant d’honorer son art, le long-métrage d’Eric Warin et de Tahir Rana est profondément touchant même s’il se révèle quelque peu frustrant sur le plan graphique.
Résumé : Charlotte Salomon est une jeune peintre juive allemande, dont le destin bascule à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Face au tourbillon de l’histoire et à la révélation d’un secret de famille, seul un acte extraordinaire pourra la sauver. Elle entame alors l’oeuvre de sa vie…
Peindre contre les démons intérieurs et les menaces extérieures : une note d’intention implicite que le film prend à bras le corps en révélant l’existence malmenée d’une jeune fille enthousiaste. De ses questionnements sur l’art (et ses enjeux) qui ne théorisent pas inutilement jusqu’à ses relations amoureuses compliquées, la Charlotte Salomon qui s’offre à nous par l’image et le son grâce à l’interprétation charmante de Marion Cotillard, est des plus attachantes. En quête de bonheur, l’héroïne se cherche par la peinture, par l’amour et par sa famille qu’elle sait être hantée par le deuil et la folie. Fuyant l’oppression nazie aux côtés de ses grands-parents, elle tente aussi d’échapper aux tentations suicidaires qui gangrènent son arbre généalogique. En découlent d’inévitables scènes tragiques mais aussi d’intenses conflits avec son grand-père.
Sur la forme, l’académisme est de mise dans Charlotte si ce n’est dans de rares séquences célébrant son art plus libre qui donne à voir la naissance d’oeuvres tourmentées. L’animation traditionnelle quelque peu rigide contraste avec le travail émancipé des règles de l’artiste : c’est tout de suite plus intéressant quand les croquis en gestation de la peintre en devenir prennent vie sous nos yeux. Heureusement, ce que le film perd en identité visuelle, il le gagne en mise en scène rayonnante pour auréoler ce parcours de vie d’un voile plus optimiste. L’équipe créative se joue ainsi des hors-champs, notamment dans une ultime séquence déchirante sous le soleil du sud de la France. Si le fond du film est définitivement teinté de désespoir, la mise en scène tente par tous les moyens d’illuminer le chemin de vie d’une artiste éprise de liberté. Au gré d’une musique enchanteresse, d’idylles amoureuses aux décors évocateurs (un des premiers amours de la jeune femme prend place sur le lac d’Annecy) et de focus sur son art, l’histoire de Charlotte Salomon est embellie. C’est aussi là l’une des prouesses du septième art : celui de conter tout en réinventant certains pans de la réalité.
Le spectateur (re)découvre alors la somme magnifique de dessins autobiographiques produite par une artiste qui se sait être en danger permanent et qui produit, dans une sorte d’urgence créative, une oeuvre manifeste. L’émotion de l’ultime séquence du film ne désemplit pas au gré d’un pré-générique troublant : des interviews du père de Charlotte mais aussi de sa belle-mère entérinent le destin incroyablement funeste d’une artiste qui avait tant à dire…
Au final, Charlotte est de ces films animés qui méritent de s’y attarder puisqu’il conte avec réalisme et émotion un parcours artistique torturé, en proie aux violences d’une Histoire troublée mais aussi aux angoisses généalogiques. Sans jamais taire les accents tragiques de la destinée de l’artiste, le film d’Eric Warin et de Tahir Rana éclaire autant que possible ce chemin de croix éprouvant.
Ce biopic animé sort le 9 novembre prochain en salles via Nour Films.