En 2008, un réalisateur israélien fit sensation : Ari Folman, avec son film d’animation Valse avec Bachir. Contant les traumatismes d’un jeune soldat se rappelant les massacres perpétrés durant une guerre sanglante, le film acclamait haut et fort la nécessaire existence de la mémoire et de la poésie. Cette année, le réalisateur présentait donc son tout nouveau long-métrage, tant attendu : Le Congrès. Sur le papier, ce mélange de prises de vues réelles (durant trois quart d’heures) et d’animation 2D dans la narration du destin semi-réaliste d’une actrice blessée (Robin Wright) intriguait. Heureusement, passées les deux heures de pellicules, le constat est sans équivoque : Le Congrès fascine et ne vous lâchera pas une seconde à la sortie de la salle obscure.
http://youtu.be/ugNYULjX8Uc
A la limite du réel, le film s’ouvre quarante cinq minutes durant sur l’acceptation difficile d’une carrière ratée par l’excellente Robin Wright qui décroche ici non pas la finalité de sa carrière mais bel et bien son apothéose. Portant à merveille son propre rôle, qui se révèle être son plus difficile parce qu’elle s’y met à nue (métaphoriquement, bien sûr), l’actrice étincelle et habite la réalisation posée et mélancolique d’Ari Folman. Véritable réflexion sur le monde de l’acting, mais aussi du cinéma et plus encore, sur la destinée de l’homme en général, Le Congrès est presque un film somme qui brasse des thèmes largement employés en science-fiction mais qui prennent ici une résonance particulière.
Par ailleurs, loin de se contenter de raconter les dégâts d’une technologique constamment en recherche d’innovations écrasant l’humain sur son passage, le long-métrage d’Ari Folman s’offre le luxe de développer une magnifique histoire parallèle (entre l’actrice déchue et son fils voué à la cécité), véritable fil rouge de cette narration ciselée.
Souvent déstabilisant (les séquences animées sont fréquemment surréalistes, dans le bon sens du terme puisqu’il s’agit de l’année 2030 ou les hommes peuvent se transformer en ce qu’ils désirent), le film tire sa force de la fascination qu’il procure. Si l’entrée dans le monde animé est difficile à suivre parce que l’abondance de couleurs et de dialogues tranche avec l’austérité glaciale de l’introduction réaliste, la suite se révèle bien plus passionnante grâce à une animation 2D un peu désuète qui rappelle l’âge d’or de l’animation et un constant émerveillement teinté de mélancolie.
Les formes n’ont pas de limites (le film assume clairement son apologie d’une animation plus caricaturale que les productions animées des majors actuelles) et les styles se mélangent pour former un film hybride qui vacille constamment entre hommage à la science-fiction et à l’animation et une originalité revendiquée dans un monde ayant trop tendance à s’uniformiser (en témoigne l’angoissante scène en prise de vue réelle à la fin). Quoi qu’il en soit, les thèmes abordés dans le film sont tellement nombreux (la quête constante de la jeunesse est aussi au centre du propos) qu’il serait impossible de tous les relever mais une chose est sûre, la bande originale de Max Richter accentue d’autant plus la mélancolie ambiante constituant le climat général du film.
Au rythme du parcours nostalgique de la version animée de Robin Wright, Le Congrès tisse un scénario aussi brillant que complexe qui demande une attention certaine, voire même une redécouverte au plus vite dans une salle obscure pour un second voyage métaphorique (ou chez soi, lorsque le film sortira en vidéo).
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En conclusion, Le Congrès est une oeuvre à découvrir absolument pour tout fan d’animation, mais plus largement de cinéma, qui se respecte. Extraordinaire, brillant et émouvant, le nouveau film d’Ari Folman permet de découvrir d’autres portes pouvant être ouvertes par le biais du cinéma d’animation. A ne pas mettre devant tous les yeux parce que le film est complexe, il mérite quand même que l’on y réfléchisse amplement parce que l’on en sort véritablement grandi. Par ailleurs, l’on ne peut que féliciter l’éditeur vidéo ARP Sélection pour cette édition haute-définition certes perfectible mais retranscrivant parfaitement toute l’essence du chef d’oeuvre de Folman.