Sentiments quelques peu spéciaux aujourd’hui à l’écriture de cet article, car comme vous le savez surement, Souvenirs de Marnie est le dernier film, du moins pour le moment, des célèbres Studio Ghibli. Après Le Vent se Lève et Le Conte de la Princesse Kaguya des deux grands maîtres du studio nippon, c’est l’adaptation du roman When Marnie Was There de Joan G. Robinson qui fut choisie pour clore une belle aventure de 30 ans, avec pour seul maître à bord Hiromasa Yonebayashi.
Il est triste de voir que ce nouveau film du réalisateur d‘Arrietty et le Petit Monde des Chapardeurs est une des composantes de la mise en pause du plus célèbre des studios japonais. En effet, ajoutés au départ en retraite d’Hayao Miyazaki, les mauvais résultats du métrage dans son pays d’origine furent de trop pour la santé de Ghibli, alors qu’ils sont clairement loin d’être mérités.
Certes, ce n’est pas à mes yeux leur meilleure production et les amateurs de fantaisie fantastique attirés par les Totoro et autres Chihiro n’y trouveront pas leur compte, mais Souvenirs de Marnie regorge de qualités qui font de lui un de ces bons petits films d’animation.
Un bon film tout d’abord par son histoire et les messages qu’elle transmet. Au travers du séjour d’Anna dans la campagne pour des raisons de santé et de la naissance de son amitié pour la jeune Marnie, ce sont des thèmes comme l’amitié, la place dans la famille, l’adoption, ou encore la maturité qui sont abordés. Des sujets assez conventionnels certes, qui déteignent un peu avec les deux précédents films, mais que j’ai trouvé traité ici avec originalité et une grande justesse.
Hiromasa Yonebayashi utilise pour cela la relation entre une Anna mal dans sa peau et une Marnie dont on ne comprend pas bien l’existence. Une relation privilégiée très onirique par le biais de passages à moitié rêvés et à moitié réels, qui servent à faire remonter le fond véritable du métrage au fur et à mesure jusqu’à un paroxysme final autorisant enfin le spectateur à ouvrir ses vannes lacrymales, malgré une conclusion un brin téléphonée.
[quote author= »David » bar= »true » align= »left » width= »300px »]Même si Souvenirs de Marnie accuse quelques petits défauts et n’a pour le moment pas la stature pour devenir un pilier comme le furent certains de ses grands frères, il reste un moment de cinéma très agréable.[/quote]
En plus de tout cela, un travail important sur les personnages secondaires a été réalisé, que ce soit sur les plus proches, comme la famille d’Anna qui l’accueille comme les plus éloignés à l’image du vieux pêcheur muet.
Chaque personnage introduit, comme d’habitude chez Ghibli, possède une importance particulière dans l’histoire, pour faire avancer le propos. Ici, c’est pour mettre en avant la présence de Marnie dans la vie des habitants, mais aussi mieux nous faire connaître le personnage d’Anna. Le tout dans un contexte de vie quotidienne propre au studio, qui rapproche le métrage d’un Souvenir Goutte à Goutte, d’un Si tu tends l’Oreille ou encore d’un Colline aux Coquelicots.
Côté technique, le film n’a absolument pas à rougir de ses prédécesseurs, surtout aux vu des quelques risques pris par le réalisateur. En effet, comme pour marquer ce démarrage d’une nouvelle ère chez Ghibli, Hiromasa Yonebayashi s’est entouré d’artistes qui n’étaient pas dans les habitudes du studio, et cela se remarque très rapidement !
A la direction artistique, par exemple, où Yohei Taneda fait avec Marnie son retour dans le monde de l’animation. Il en ressort des décors absolument magnifiques, comme le marécage et sa maison, qui sans non plus changer radicalement de ce qu’on avait l’habitude de voir, offrent ce qu’il faut de fraîcheur au métrage et nous colle des étoiles pleins les yeux.
A la musique aussi, c’est un petit nouveau de l’animation qu’on retrouve, en la présence de Takatsugu Muramatsu qui a la lourde tâche de se démarquer du pilier (de bar ?) Joe Hisaishi. On pourra d’ailleurs critiquer quelque peu cette bande son, moins accrocheuse que d’habitude, mais le résultat est tout de même plus que correct et colle bien à l’ambiance du film, avec notamment le morceau du générique de fin par Priscilla Ahn qui ajoute une belle émotion en conclusion.
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On ne pourra pas reprocher à Hiromasa Yonebayashi d’avoir voulu marquer un tournant dans la ligne directrice du studio, surtout à un moment de la vie de celui-ci où ce tournant est indispensable. Une réussite à mon sens, car même si Souvenirs de Marnie accuse quelques petits défauts et n’a pour le moment pas la stature pour devenir un pilier comme le furent certains de ses grands frères, il reste un moment de cinéma très agréable. Magnifique visuellement, émouvant comme on l’aime, il fera sans aucun doute passer un bon moment à ceux qui aiment les tranches de vie à belle histoire, et pourquoi pas même intéresser ceux qui ne mangent pas de ce pain là, en espérant qu’au final ce ne soit pas le dernier.