Pour leur soixantième classique animé, les studios Disney Animation nous emmènent en Colombie pour rencontrer la fantastique famille Madrigal, une famille hors du commun qui maîtrise une magie altruiste faisant le bonheur de leurs voisins attentifs. En célébrant les vertus d’une famille atypique, l’équipe créative porte un regard universel sur les liens familiaux et l’inévitable singularité d’un membre du foyer en question (en l’occurence, la jeune Mirabel). En s’éloignant de l’aventure épique de Raya et le dernier dragon (qui manquait d’ampleur émotionnelle en privilégiant un récit empli de frénésie), Encanto se révèle profondément émouvant malgré une large palette de personnages et de pouvoirs. Un enchantement graphique et thématique aux bémols si minimes qu’ils s’oublient très vite.
Résumé : Dans un mystérieux endroit niché au cœur des montagnes de Colombie, la fantastique famille Madrigal habite une maison enchantée dans une cité pleine de vie, un endroit merveilleux appelé Encanto. L’Encanto a doté chacun des enfants de la famille d’une faculté magique allant d’une force surhumaine au pouvoir de guérison. Seule Mirabel n’a reçu aucun don particulier. Mais lorsque la magie de l’Encanto se trouve menacée, la seule enfant ordinaire de cette famille extraordinaire va peut-être se révéler leur unique espoir…
Après une collaboration productive sur Vaiana, la légende du bout du monde en 2016, les studios Disney font à nouveau confiance à Lin-Manuel Miranda, compositeur en vogue (et c’est légitime!), pour composer une partition aux accents colombiens. En parler à l’aune de notre critique est important puisque la patte contemporaine du musicien bâtit à chaque instant les enjeux et les mécaniques du film. Film de personnages et de quêtes intimes avant d’être un récit magique, Encanto touche beaucoup en imposant des pauses discursives et musicales aussi fascinantes qu’entraînantes. C’est simple, tous les instants chantés sont une façon, un brin classique, de dévoiler les sentiments de chacun (de l’exception qu’incarne Mirabel dans sa famille jusqu’aux doutes de sa sœur Luisa ou bien des désirs émancipatoires de sa seconde sœur Isabela) sur des rythmes d’un modernisme euphorisant. Tout en empruntant des chemins narratifs traditionnels, le film de Byron Howard et Jared Bush se révèle différent des précédentes productions Disney. Il n’y a qu’à voir l’énergie déployée lors des séquences musicales pour s’en convaincre et ce, dès le traditionnel morceau d’introduction (« The Family Madrigal »). Sur un tempo frénétique (on reconnaît bien là l’empreinte du compositeur new-yorkais, l’héroïne présente tous les membres de sa famille dans une mise en scène énergisante.
En parlant de mise en scène, le film est un ravissement visuel aux innombrables couleurs même s’il peine à renouveler l’esthétisme propre aux studios à la barre. L’animation des personnages suit le cahier des charges de la firme aux grandes oreilles depuis la sortie de Raiponce il y a onze ans désormais mais l’attention portée aux textures étonne toujours autant. La chevelure espiègle de Mirabel, les fourrures soyeuses des animaux accompagnant le jeune Antonio ou même les costumes virevoltants des personnages : tout est brillamment mis en image. Fait intéressant, Encanto se passe presque exclusivement dans la maison des Madrigal et ses alentours, mais l’ennui ne pointe jamais le bout de son nez grâce à une qualité d’animation éloquente et une direction artistique chatoyante. Couleurs vives, dynamisme des êtres à l’écran, soin apporté au character design sont autant de preuve que le nouveau cru Disney Animation est dans le haut du panier de l’animation mondiale.
Le bât blesse davantage du côté du scénario qui, assurément, transpire l’émotion, mais peine à prendre des détours moins balisés pour conter l’émancipation d’une jeune fille écrasée par le poids d’une famille exigeante (à moins que ce ne soit la faute de l’abuela de la famille ?) Le suspense est de mise lorsqu’il s’agit de l’oncle Bruno (qui fait d’ailleurs l’objet d’une excellente chanson – « We don’t talk about Bruno » en version originale) mais dès lors que le mystère s’évanouit, l’intrigue se coud de fil blanc, rappelant les motifs brodés sur la robe de l’héroïne. Se concentrant alors exclusivement sur l’émotion de ses personnages et le passé de la matriarche, le scénario émeut plus qu’il ne surprend. On regrette alors un dénouement moins singulier qu’attendu (le mystérieux don de Mirabel) qui témoigne d’une prise de risques bien modeste dans la droite lignée des derniers récits proposés par les équipes créatives du studio américain.
Sans surprises, Encanto est un petit bijou d’animation qui saura faire danser et pleurer toute la famille sans trop souffrir de menus défauts inhérents aux dernières productions Disney Animation. Visuellement épatant, le film se prête à merveille aux fêtes de fin d’année et célèbre la naissance d’une nouvelle héroïne à la normalité salvatrice. Le « miracle » des Madrigal n’attend plus que vous !