(Critique) Garfield : héros malgré lui de Mark Dindal

Garfield, le chat le plus gourmand et paresseux de la littérature, a enfin droit à son propre film entièrement animé. Notre espoir d’y retrouver la saveur des bandes dessinées était grand, tout comme notre plaisir de retrouver Mark Dindal à la réalisation. Etrangement calé pour une sortie au beau milieu de l’été en France (le 31 juillet), le film a déjà conquis de nombreux spectateurs à travers le monde (depuis le mois de mai). Et le constat est sans appel : si l’humour débridé et les gags innombrables font mouche tout en rappelant les pages des oeuvres graphiques dédiées au chat, il en va tout autre du récit, exclusivement tourné vers le jeune public. 

Résumé : Garfield, le célèbre chat d’intérieur, amateur de lasagnes et qui déteste les lundis, est sur le point d’être embarqué dans une folle aventure ! Après avoir retrouvé son père disparu, Vic, un chat des rues mal peigné, Garfield et son ami le chien Odie sont forcés de quitter leur vie faite de confort pour aider Vic à accomplir un cambriolage aussi risqué qu’hilarant.

Copyright 2023 Project G Productions, LLC

Tout commence sous les meilleurs auspices avec un quatrième mur instantanément brisé par le protagoniste, au gré d’une mise en bouche (littéralement) intrigante et drolatique. Garfield se propose alors de nous raconter sa première rencontre avec John, l’humain l’ayant recueilli après que son père l’ait abandonné. Une première rencontre placée sous le signe de l’humour et des gags, à l’image d’un film entièrement dédié à la célébration d’un esprit cartoon pertinent. Entre les gags à la pelle (comme l’entrée chaotique dans un train, jouant sur les comiques de répétition et de gestes) les commentaires à l’intention du spectateur du chat, le long-métrage est particulièrement drôle. Tout concourt à l’humour : le montage, les character design des personnages, la mise en scène, les dialogues et les clins d’oeil parodiques au cinéma. De plus, l’animation, parfois un peu modeste notamment dans son traitement des décors, offre une extraordinaire palette de jeu surréaliste. Mais dès lors que le quotidien de John et Garfield est perturbé par un enlèvement malveillant, les faiblesses du récit surgissent et cantonnent le film à une lecture enfantine.

Ainsi commence une histoire de vengeance un brin prévisible, sortant le chat si attaché à son confort personnel de son train-train quotidien. On peut compter sur une mise en scène inventive pour auréoler cette histoire balisée d’instants précieux, notamment dans son traitement dramatique à souhait de l’antagoniste. Jinkx, une chatte théâtrale au possible, offre de belles idées de mise en scène à l’équipe créative : les effets dramatiques qui accompagnent ses prises de parole sont stupéfiants et hilarants. Sa reprise de la comptine Alouette (en VF, y compris dans la version originale !) est savoureuse. Garfield : héros malgré lui aurait d’ailleurs pu se contenter de cet antagonisme, au lieu de nous servir un quasi-plagiat du personnage de Chantal Dubois (dans Madagascar 3 : Bons baisers d’Europe) via une gardienne soucieuse de bien faire son travail. Sa scène d’introduction dans le film ne trompe pas ! A dire vrai, les personnages du long-métrage manquent bien souvent de singularité, au-delà du binôme père-fils formé par Garfield et son paternel. 

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Un binôme constituant la force émotionnelle de l’histoire. L’originalité de cet amour contrarié est menue mais elle architecture l’écriture du film, y compris dans certaines métaphores humoristiques bien senties. Garfield et son père ne sont-ils pas attachés ensemble à un tronc d’arbre lors d’une dispute familiale ? Cette relation touchante, faite de hauts et de bas, humanise davantage ces animaux à l’anthropomorphisme constant. Evidemment, des rencontres semblent plus longues que d’autres, et l’ajout des personnages d’Otho et Ethel, un couple de bovins, ralentit la focalisation sur le coeur du récit. Mais l’équipe créative a l’intelligence de mettre au service de la narration des ressorts chers aux histoires habituelles sur Garfield. Son goût pour la nourriture et les livraisons participent notamment à la résolution d’un climax de film d’action. Et c’est là que réside probablement le problème majeur du film de Mark Dindal : son respect modéré de l’oeuvre qu’il adapte. Si les gags et l’humour de Garfield fonctionnent, la dimension film d’aventure que revêt le long-métrage s’éloigne grandement du quotidien tant représenté dans les comic strips de Jim Davis.

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Vous l’aurez donc compris, Garfield : héros malgré lui aurait mérité d’être amputé de son sous-titre pour nous offrir le quotidien tellement plus drôle du chat paresseux. Souhaitons-nous vraiment voir Garfield devenir un « héros malgré lui » ? Divertissement calibré pour plaire à un jeune public, le film de Mark Dindal doit composer avec une histoire un brin ennuyante rehaussée par des pastilles humoristiques et quotidiennes savoureuses. 

En salles le 31 juillet via Sony Pictures France

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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