Ce n’est un secret pour personne : l’imaginaire de Michel Ocelot m’enchante depuis toujours. Ce n’est pas mon ouvrage à paraître qui me contredira : la perspective de découvrir un nouveau projet venu tout droit de son esprit créatif m’enthousiasmait alors beaucoup. Ayant eu la chance de découvrir le recueil de trois contes qu’est Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse au coeur même du Louvre en juin dernier, je ne peux m’empêcher de vous en dire quelques mots. Véritable synthèse de son savoir-faire narratif, le film embrasse ses thématiques fétiches et se déploie autour de trois apparats graphiques célébrant le passé et le présent d’une filmographie hétéroclite. Un enchantement pour toute la famille à découvrir en salles dès le 19 octobre prochain via Nord-Ouest Films !
Résumé : 3 contes, 3 époques, 3 univers : une épopée de l’Egypte antique, une légende médiévale de l’Auvergne, une fantaisie du XVIIIe siècle dans des costumes ottomans et des palais turcs, pour être emporté par des rêves contrastés, peuplés de dieux splendides, de tyrans révoltants, de justiciers réjouissants, d’amoureux astucieux, de princes et de princesses n’en faisant qu’à leur tête dans une explosion de couleur.
Trois histoires, trois époques, trois esthétiques mais trois histoires d’amour contant l’universalité des sentiments. Tandis qu’un jeune homme égyptien se lance dans la course au titre de pharaon pour obtenir la main de celle qu’il aime dans le premier conte, les deux héros suivants trouvent l’amour au gré de leur bienveillance en Auvergne et au Moyen-Orient. Comme toujours, Michel Ocelot nous propose un voyage entre les continents et les époques, de l’Europe à l’Afrique, du XVIème siècle avant J.C jusqu’au XVIIIème après J.C. Reliées par une narratrice conversant avec son public au coeur d’un chantier, ces trois histoires font pourtant sens parce qu’elles donnent à voir trois héros bataillant contre une autorité parentale tyrannique.
Si Pharaon est objectivement le récit le plus faible des trois parce qu’il se révèle un brin complexe pour un jeune public (en plus d’être répétitif dans sa construction), il offre néanmoins une imagerie en 2D plate qui honore avec brio les peintures de l’époque représentée. La quête du futur pharaon koushite est pavée d’interventions divines (qui permet au réalisateur de s’essayer à la représentation de divinités égyptiennes), de détails à la réalité historique savoureuse (comme ces seins sortis des tuniques koushites) mais aussi de scènes grandiloquentes alors que le héros est amené à constituer une armée pour obtenir la main de sa bien-aimée. Un premier métrage un brin programmatique qui a tout de même le mérite d’abreuver les spectateurs de tous âges d’éléments historiques fascinants tout en célébrant un pan de l’histoire égyptienne rarement incarné sur grand écran.
Vient ensuite Le Beau sauvage, un hommage aux récits austères du Moyen-âge (Michel Ocelot s’est inspiré d’un conte d’Henri Pourrat) qui renoue avec l’amour du réalisateur pour les ombres. Réduits à des figures sombres, les personnages évoluent dans des décors gothiques réalisés sur tablette graphique qui collent à merveille au propos du film. Contraint de composer avec la violence psychologique d’un père froid, le jeune garçon s’enfuit dans les bois et métabolise à l’écran l’éternelle dualité de la nature et de la civilisation si chère aux auteurs médiévaux. On pense alors inévitablement aux élans merveilleusement figuratifs des Contes de la nuit… Ce beau sauvage a les atours des meilleurs oeuvres de Michel Ocelot pour nous embarquer dans un récit teinté de dureté aux aspérités envoûtantes.
Enfin, le film anthologique s’achève par une turquerie foisonnante, Le vendeur de beignets et la princesse des roses qui rappelle constamment le déploiement féérique d’Azur et Asmar. Ligués contre l’obscurantisme et les superstitions, les jeunes protagonistes forment l’étendard d’une vie guidée par l’affirmation de soi et de ses volontés. Tournés vers l’accès au bonheur, ils dépareillent avec le monde réglé au millimètre dans lequel ils évoluent comme Kirikou ou Dilili en leurs temps. Et ce n’est que par la fuite et l’émancipation qu’ils finissent par s’aimer librement dans un film numérique resplendissant. Une fois encore, l’autorité parentale est bernée et les jeunes gens peuvent s’aimer…
Vous l’aurez compris, Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse est un déploiement de récits et d’esthétiques qui m’a conquis, y compris dans ses faiblesses narratives. Renouvelant le style ocelotien tout en l’honorant constamment, ces trois moyens-métrages célèbrent les hasards de la vie qui pétrissent de magnifiques histoires d’amour. Les amoureux d’hier de ce cinéma pédagogique seront ravis tandis que les réfractaires le demeureront… La maestria de Dilili à Paris n’est pas réitérée mais l’aventure est si charmante qu’elle mérite toute votre attention. La découverte d’une œuvre de Michel Ocelot sur grand écran est toujours une célébration !