Une fois n’est pas coutume, le distributeur vidéo KMBO nous invite à la découverte d’une proposition européenne en salles. Le royaume de Naya n’est autre que le nouveau projet 3D du studio ukrainien Animagrad, déjà à la barre du film d’aventures Princesse Mila et le sorcier au coeur de pierre sorti en 2018 (disponible en DVD en France via ESC Editions). Cette fois-ci, l’équipe créative adapte une pièce de théâtre en prose « Le chant de la forêt » pour bâtir les contours d’une oeuvre pétrie d’accents écologiques et d’échos historiques. Toute la famille est invitée à vivre un conte qui ne réinvente jamais une recette bien rodée mais qui sait déployer les merveilles propres à ce type de projet.
Rendez-vous dans les salles obscures le 29 mars prochain !
Résumé : Par-delà les hautes Montagnes Noires se cache un royaume peuplé de créatures fantastiques. Depuis des siècles, elles protègent du monde des hommes une source de vie éternelle aux pouvoirs infinis. Jusqu’au jour où Naya, la nouvelle élue de cette forêt enchantée, rencontre Lucas, un jeune humain égaré dans les montagnes. À l’encontre des règles établies depuis des millénaires, ils vont se revoir, sans prendre garde aux conséquences qui s’abattront sur le royaume. L’aventure ne fait que commencer.
Comme tout univers merveilleux qui se respecte, le film d’Oleg Malamuzh & Sasha Ruban s’ouvre par un flash-back construisant l’arrière-plan mythologique du récit. Deux mondes s’opposent (les êtres féériques dans leur vallée magique et les humains) et une histoire d’amour éclot à leur frontière. C’est déjà vu, mais c’est une histoire universelle qui célèbre les vertus évidentes de la fraternité et de la solidarité. Des vertus d’autant plus importantes qu’on ne peut s’empêcher de rapprocher la réalité territoriale de l’Ukraine à cette histoire de richesses à accaparer. Tandis qu’une humaine, au character design douteux qu’on croirait sorti d’une télé-réalité, se met en tête de récupérer un bien possédé par les fées et les autres êtres magiques, les sociétés entrent en collision dans de beaux décors numériques qui se prêtent à la merveille. Le royaume de Naya est une véritable fable pacifiste et écologique qui s’érige contre l’appropriation et la déforestation.
Le scénario empile les clichés du conte, comme le bras droit stéréotypé de l’antagoniste (à la caractérisation douteuse au possible) mais aussi les séquences de bataille entre les deux mondes animés par d’inévitables trahisons. Le long-métrage surprend davantage lorsqu’il insuffle le folklore ukrainien dans sa mise en scène, à l’image des musiques typiques qui volent la vedette aux séquences plus pop, objectivement faibles, comme lors d’une rencontre entre deux êtres tombant amoureux. Au gré d’une réécriture convenue mais intemporelle du mythe des amants maudits (Pyrame et Thisbé, Tristan et Iseut ou Roméo et Juliette sont déjà passés par là avec une justesse plus évidente), on regrette des choix esthétiques qui éloignent la portée sociale du film. En premier lieu, il faut évoquer le character design des personnages, aseptisés à souhait, à l’image de ces paysannes agissant comme des influenceuses en plein travail, mais aussi l’apparence des êtres féériques, décalquant le corps des êtres humains. Dans une histoire opposant pourtant ces deux races, le choix créatif questionne.
Mais on se laisse tout de même emportés par cette histoire magique débordant de personnages extraordinaires et de péripéties rocambolesques. Les références culturelles abondent (Naya se la joue Dark Phoenix dans un climax boursouflé d’action) et les paysages s’enchaînent pour nous surprendre. A partir du moment où l’on sait où on va, on ne peut qu’apprécier cette innocente invitation à l’émerveillement.
Vous l’aurez compris, Le royaume de Naya est une oeuvre perfectible néanmoins nourrie d’intentions louables et de réussites techniques indéniables, à l’image de ces décors enchanteurs. Prenant vraiment son envol lorsqu’il célèbre la culture de son pays au lieu de singer les productions de ses voisins européens, le long-métrage ukrainien ne fait qu’effleurer le potentiel de son studio mais les promesses sont grandes !