Parmi les mythes les plus adaptés en animation, on retrouve l’inévitable odyssée de Noé et de son arche pour sauver les races animales lors du déluge divin. Les aventuriers de l’arche de Noé s’inscrit dans cette longue liste, sans éclat. Au gré de l’aventure de deux amis rats cherchant à embarquer sur le navire de fortune, le scénario de cette nouvelle version choisit la parodie et la musique pour se démarquer des oeuvres précédentes. Pour le meilleur ou pour le pire ? La bande-annonce laissait déjà planer le doute mais le résultat à l’écran est un divertissement médiocre qui prend ses « idées » créatives pour des réussites. En cherchant à s’adresser presque uniquement à une partie du public et en se contentant parfois d’un humour facile, Les aventuriers de l’arche de Noé ne parvient pas à faire oublier ses errances créatives.
Résumé : Vini et Tito, deux souris artistes de music-hall, voient leurs rêves de succès tomber à l’eau lorsque la Terre est noyée par le Déluge. Aidés par un coup de pouce du destin, ils réussissent à monter à bord de l’Arche de Noé. Propulsés au beau milieu d’un différend opposant les animaux herbivores et carnivores, Vini et Tito ont la solution parfaite pour apaiser les tensions : un concours de chansons !
Vini et Tito rêvent de célébrité et de chant lorsque Dieu annonce à Noé qu’un déluge est en approche. Ces deux personnages principaux, drôles et attachants, constituent le fil rouge d’un long-métrage quelque peu déconstruit, au diapason avec une animation surannée. Faussement saccadée, elle donne l’impression d’une oeuvre inachevée singeant la stop-motion sans jamais l’égaler. Même si notre regard s’y fait assez vite, les limites techniques sont nombreuses (à l’image de l’entrée dans l’arche, regorgeant d’animaux mal animés à l’écran) : à peine sorti, le film semble déjà dépassé. C’est aussi le character design douteux des personnages qui peine à convaincre et les couleurs contrastées rivalisent d’invraisemblance. Après tout, on y rencontre une baleine rose à l’utilité narrative mesurée.
Se pose alors la question de l’existence de ce projet ciblant une partie bien restreinte du public : a-t-il une plus-value par rapport aux anciennes odyssées bibliques ? Non, puisqu’une fois encore ce sont les animaux « forts » (lion, gorille, entre autres) qui soumettent les autres sur le bateau. Il y a bien le concours de chant qui occupe la dernière partie du métrage et qui catalyse les fils narratifs de l’histoire, mais l’arche de Noé se prête-t-elle vraiment à ce genre de spectacle ? Et ce ne sont pas les chansons, profondément anecdotiques qui sauront retenir notre attention. Composés à partir de poèmes de Vinicius de Moraes et Tom Jobin, créateurs de la bossa nova, ces titres musicaux colorent le scénario avec parcimonie d’accents brésiliens rappelant l’origine du film. L’idée de mettre en lumière les êtres moins acceptés par la société animale (à l’image des insectes repoussants) est originale et donne lieu à une courte odyssée parallèle surprenante, mais le retour aux poncifs du genre est bien trop rapide.
Pourtant, on sent bien que de bonnes idées coexistent avec les choix regrettables dans ce projet. La relecture parodique d’un évènement biblique est bienvenue mais elle semble osciller entre les blagues faciles (« le lion, le roi des petits prouts… ») et les clins d’oeil plus méta comme lorsque l’être divin s’adresse à Noé et que des bruitages d’ordinateur accompagnent ses réponses/recherches. A trop vouloir parodier l’histoire qu’il raconte, le film ne risque-t-il pas de le démystifier sans intention ? Ce sont aussi les beaux messages d’entraide rappelant les fables de La Fontaine qui tirent leur épingle du jeu, mais cela est monnaie courante dans les films pour enfants. Quand les faibles s’unissent pour affronter les puissants, les rapports de force se renversent : le message est clair, et beau, d’autant plus qu’il est porté par un duo de protagonistes rongeurs attachant.
Au final, Les aventuriers de l’arche de Noé n’est qu’une énième ré-interprétation banale d’un récit biblique. En jouant la carte de la parodie et de la dominante musicale, le duo de réalisateurs espérait sûrement se démarquer des odyssées précédentes. En vain. Reste alors un divertissement agréable si tant est que l’on sache à quoi s’attendre dès les lumières de la salle éteinte.
En salles le 10 avril prochain via Le Pacte.