Il y a des œuvres qui savent plonger leurs spectateurs dans l’émotion pure et la surprise : Les Démons d’argile de Nuno Beato est de celles-là. Sorti le 21 septembre dernier via Cinema Public Films en salles, après un passage remarqué au festival d’animation d’Annecy en juin dernier, le long-métrage portugais propose une quête de sens et de souvenirs au sein d’un monde réinventé par des graphismes inspirés. Les sorties animées ne manquent pas en septembre, mais le film de Nuno Beato a tout ce qu’il faut pour sortir du lot !
Résumé : Rosa est une femme d’affaires accomplie. La mort soudaine de son grand-père qui l’a élevée la ramène dans la maison où elle a grandi. Grâce à une série de lettres et d’indices, elle découvre que son grand- père lui a légué une importante tâche à accomplir. Tandis qu’elle corrige les erreurs passées de celui-ci, elle parvient à s’apaiser.
Entre les promesses de l’affiche, arborant des personnages en pâte à modeler, et l’introduction du film, la surprise est de mise. On rencontre la protagoniste principale du film, Rosa, dans un univers à l’apparat graphique numérique déstabilisant. Contrainte de renouer avec les souvenirs de son enfance à la mort d’un grand-père auquel elle était attachée, elle s’engage dans une quête de sens sur les terres de son éducation originelle, au beau milieu d’un petit village portugais. La mise en scène délaisse alors l’animation numérique (qui singeait l’animation 2D) pour le stop-motion et ses accents inévitablement réalistes (parce que cette technique d’animation donne à voir la matière des choses). C’est ainsi que l’on passe d’un monde virtuel et vain à un univers plus pragmatique, permettant à Rosa de se concentrer davantage sur le véritable sens de la vie (à la différence d’un de ses amis, désespéré à l’idée de vivre sans les réseaux qu’il utilise constamment via son smartphone).
Au fur et à mesure, l’héroïne imparfaite (et, par conséquent, profondément réaliste et propice à l’identification spectatorielle) reconstruit la vie de son grand-père et apprend à pardonner sa mère qui l’a abandonnée dans ses jeunes années, laissant ainsi le soin à son grand-père de prendre en charge son éducation. Les démons du titre ne sont autres que les démons « intérieurs » rongeant les Hommes et qui trouvent ici une incarnation onirique appropriée. Intervenant dans les séquences rêvées ou les flash-backs du récit, ces « démons » animalisés donnent à voir les émotions des êtres composant l’histoire. On frôle parfois le surréalisme dans le character design de ces personnages fantastiques mais ils déploient tout le potentiel figuratif du film. Ils sont aussi à l’origine de séquences à la limite du cauchemar lors des souvenirs mêlant passé et figures argileuses animées. L’animation est de toute beauté, d’autant plus que les éclairages magnifient le parcours initiatique de l’héroïne. Les démons d’argile est une œuvre singulière qui déploie son récit avec une évidente sincérité.
C’est aussi par sa bande-originale traditionnelle emplie de rythmes et d’enchantements totémiques que le long-métrage fascine tout en questionnant nos rapports aux autres, à la ruralité et aux nouvelles technologies. Sous ses faux airs de quête identitaire, Les Démons d’argile contient une armada de thématiques universelles et ancrées dans notre époque contemporaine. Au final, toute la famille peut y trouver son compte.
Les Démons d’argile est une épopée sentimentale qui modèle la forme filmique comme une terre génératrice de souvenirs. Au fil de l’imposante réminiscence de Rosa, le spectateur s’éprend d’une histoire emplie de sentiments et d’idées graphiques qui visent juste. Une magnifique séance à partager en famille pour célébrer le savoir-faire d’un réalisateur faisant fi des conventions pour célébrer sa singularité !