(Critique) Moi, moche et méchant 4 de Patrick Delage & Chris Renaud

A trop tirer sur la corde, les meilleures idées perdent en saveur… Et les très bonnes surprises qu’ont été les deux premiers films de la saga Moi, moche et méchant en ont fait les frais dans une troisième aventure qui montrait déjà de grandes signes de faiblesse scénaristique avec pour fil rouge narratif un frère sorti de nulle part pour Gru. C’est donc avec fébrilité que l’on découvre cette année un quatrième film (d’une saga en comptant six avec deux films centrés sur Les Minions) en espérant y trouver un nouveau souffle. Malheureusement, Moi, moche et méchant 4 enfonce un peu plus le clou d’une saga qui n’a manifestement plus rien à dire. Plus pensée pour son potentiel commercial que pour des raisons artistiques, la nouvelle aventure de la famille (encore agrandie) de Gru sera vite oubliée… Le divertissement demeure, mais les ambitions d’hier semblent bien loin tout comme les tendances machiavéliques de Gru. 

Résumé : Gru, Lucy et les filles, Margo, Edith et Agnès accueillent le petit dernier de la famille, Gru Junior, qui semble n’avoir qu’une passion : faire tourner son père en bourrique. Mais Gru est confronté à un nouvel ennemi Maxime Le Mal qui, avec l’aide de sa petite amie, la fatale Valentina, va obliger toute la famille à fuir.

(c) Universal Pictures France

On prend les mêmes et on recommence ? Gru, agent pour l’AVL en compagnie de sa bien-aimée Lucy, mettent sous les verrous un antagoniste pathétique au corps de cafard dans une première séquence qui fait son effet. Commence alors une histoire de vengeance aux motivations faméliques qui oblige l’écriture du film à s’épancher dans les scènes décalées pour exister (et justifier le temps d’un long-métrage). Une dérivation narrative qui se ressentait déjà dans le précédent film mais qui, cette fois-ci, prend le dessus jusqu’à mettre en arrière-plan le binôme anecdotique d’antagonistes. Un mal pour un bien tant ils ne permettent jamais d’offrir une menace digne de ce nom à la famille de Gru, malgré l’inquiétude que le patron de l’AVL fait peser sur eux. Un bien parce que cela permet de suivre les aventures héroïquement loufoques de minions génétiquement modifiés pour le plus grand plaisir des spectateurs. Une fois encore, ils sont les vedettes du film et rythment les meilleures scènes du long-métrage (on pense notamment aux sauvetages plus ou moins réussis des habitants d’une métropole pastichant les films super-héroïques).

A vrai dire, la structure narrative (et l’épisode héroïque des minions) évoque Comme des bêtes 2 qui peinait aussi à construire une histoire digne de ce nom. En éparpillant les personnages – et ils sont nombreux – le fil rouge est mis de côté au profit d’intrigues loufoques qui ne fonctionne pas toujours. L’équipe créative essaie tant bien que mal de tous les faire exister mais en ne les développant jamais pleinement et en les résumant à un seul trait de caractère, à l’image du bébé de Gru et Lucy, ils ne touchent jamais vraiment le public. Il en va ainsi de Lucy, cantonnée à son rôle de coiffeuse par intérim et pourchassée par une cliente mécontente, mais également de Poppy, nouveau personnage de méchant en devenir simplement esquissé. Le trop est l’ennemi du bien, pourtant nombreuses sont les sagas familiales à céder aux sirènes de l’accumulation narrative… En refusant de faire grandir ses personnages – Agnès, Margot et Edith ont toujours le même âge depuis le premier film – les scénaristes se retrouvent contraints d’intégrer de nouveaux personnages à leurs histoires alors que la saga aurait pu s’enrichir des questionnements familiaux induits par l’évolution de ses membres.

(c) Universal Pictures France

Si l’histoire de ce quatrième film n’apporte absolument rien à la saga, elle a néanmoins le mérite d’être traitée avec intelligence à l’écran dans un foisonnement de décors inventifs – le lycée de Gru, leur maison témoin bourrée d’articles à l’effigie de l’agence d’espionnage ou même le vaisseau insectoïde de Maxime Le Mal (qui porte très mal son nom). Le déménagement de la famille permet d’offrir aux spectateurs des environnements inédits mais les prises de risque sont minimes et les identités secrètes des membres de la famille vite balayées… Le potentiel comique de ce changement géographique avait pourtant de quoi offrir de beaux moments de comédie et d’écriture, notamment dans la vie de famille : il n’en est rien. Surnagent alors quelques scènes rappelant les heures de gloire de la saga avec une mise en scène plus inspirée, comme cette infiltration dans un lycée-château à l’aide de couches, biberons et autres ustensiles pour élever un bébé. Mais ces courts moments décalés se comptent sur les doigts d’une main.

(c) Universal Pictures France

Vous l’aurez donc compris, Moi, moche et méchant 4 est une oeuvre purement commerciale qui a si peu à raconter qu’elle mise tout sur une construction par scènettes comiques dépourvues d’enjeux. Le plaisir de retrouver une galerie de personnages attachante ne peut suffire et il n’y a bien que les minions et la mise en scène astucieuse qui méritent encore notre attention… Et si on laissait un peu Gru et sa famille vivre en paix ? 

En salles le 10 juillet via Universal Pictures France

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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