(Critique) Mon ami robot de Pablo Berger

Le nouveau long-métrage de Pablo Berger est la preuve qu’il ne faut pas créer son top des sorties annuelles sans avoir atteint la dernière semaine de l’année ! Mon ami robot est une astucieuse fable animale à l’universalité déchirante qui conte les affres d’une amitié pavée d’embûches. Sans une seule ligne de dialogue, le film touche au coeur les petits comme les grands pour des raisons différentes mais tout aussi importantes. Une merveilleuse manière de terminer l’année… mais je ne peux que vous conseiller de ne pas oublier vos mouchoirs ! Cette adaptation d’une bande dessinée américaine (pensée par Sara Varon) réchauffe autant les coeurs qu’il les met à l’épreuve.

Résumé : DOG, vit à Manhattan et la solitude lui pèse. Un jour, il décide de construire un robot et ils deviennent alors les meilleurs amis du monde ! Par une nuit d’été, DOG avec grande tristesse, est obligé d’abandonner ROBOT sur la plage. Se reverront-ils un jour ?

Copyright 2023 Arcadia Motion Pictures, Lokiz Films, Noodles Production, Les Films du Worso

En apparence, le premier projet animé de Pablo Berger est une banale histoire d’amitié contrariée par un destin capricieux. Au fond, on découvre là une entreprise cinématographique universelle mettant en images la profonde violence du sentiment de solitude. Le choix de proposer une œuvre muette fait sens parce qu’elle creuse toujours un peu plus l’incapacité du protagoniste principal à trouver le bonheur et à communiquer pleinement. Si l’animation 2D aux ronds contours laisse à penser que le récit s’adresse aux plus jeunes, la cruauté (relative) de l’écriture narrative nous rappelle constamment que Mon ami robot est une fable qui peut toucher toute la famille, chacun d’entre nous ayant, un jour ou l’autre, été confronté à l’abandon.

Séparés par un coup du sort, Dog et Robot espèrent inlassablement se retrouver dans une histoire qui évite toujours astucieusement de se répéter. Notre coeur souffre des péripéties cruellement réalistes, nos espoirs se heurtent aux rouages du monde et nos craintes s’accomplissent. Loin de moi l’idée de réduire le métrage à ses sombres aspects tant les graphismes et les musiques nous proposent une aventure lumineuse mais le scénario est un crève-coeur. L’apparente simplicité de la narration participe à son universalité : Dog et Robot espèrent (rêvent ?) de leurs retrouvailles mais le scénario prend un malin plaisir à les décevoir tout en évoquant subtilement leurs instants partagés relevant désormais du passé. Ces moments synonymes de bonheur se calent sur le rythme de l’intemporel « September » d’Earth, Wind & Fire.

Copyright 2023 Arcadia Motion Pictures, Lokiz Films, Noodles Production, Les Films du Worso

Cette magnifique proposition d’animation espagnole est aussi un bel hommage au septième art, à travers la reprise de plans iconiques au premier rang desquels on retrouve l’histoire naissante des deux amis devant le pont de Manhattan (pastichant admirablement le plus célèbre des films de Woody Allen, le plan demi-ensemble de dos ne trompant pas). Les références pleuvent et la mise en scène surprend toujours pour rythmer un scénario qui pourrait paraître redondant, le film étant pavé d’espoirs déçus. Mais il n’en est rien car les décors changent, les rêves des personnages se colorent de nouveaux espoirs et les personnages secondaires créent toujours de nouveaux rebondissements.

En plaçant son action à New-York, Pablo Berger rend un bel hommage à l’image qu’il a gardée d’une ville en perpétuel changement. On y entraperçoit les tours jumelles, justifiant encore un peu plus l’amertume nostalgique du récit. Personnage à part entière, la cité américaine s’agite tout en entravant souvent les retrouvailles des personnages qui se cherchent. Pire encore, ce décor urbain et son foisonnement contrastent avec l’isolement éprouvant du protagoniste canin : peu importe les foules qu’il rencontre (sur la plage ou dans les jardins publics), il ne peut être comblé sans son robot. Loin d’être un océan de tristesse, Mon ami robot nous rappelle toujours à quel point l’amitié est essentielle dans l’accomplissement des êtres. L’homme étant un « animal social », n’est-il pas astucieux d’avoir fait des habitants de New York des animaux dans le film ?

Vous l’aurez compris, Mon ami robot m’a particulièrement touché. Son dispositif narratif, nécessairement répétitif, créé une dynamique émotionnelle déchirante. Gorgé de clins d’oeil au septième art, le premier projet animé de Pablo Berger est le digne successeur de sa revisite du conte de Blanche-Neige (dans Blancanieves) : une œuvre enfantine et muette aux contours cruels comme le font si bien les histoires de notre enfance.

Copyright 2023 Arcadia Motion Pictures, Lokiz Films, Noodles Production, Les Films du Worso

En salles le 27 décembre prochain via Wild Bunch Distribution.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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