Nous avions laissé Oh Sung-yoon et Lee Choonbaek sur une aventure faussement enfantine dans Lili à la découverte du monde sauvage présentée au festival d’Annecy en 2012 (l’occasion de vous rediriger vers notre webzine de l’époque où nous avions un peu sévèrement jugé les paradoxes constituant le film : https://fr.calameo.com/read/00000961143458320cc9e ) Revenant sur le devant de la scène en 2019 avec la présentation du film Nous, les chiens, les réalisateurs n’en démordent pas et signent une aventure faussement naïve. Le distributeur Les Jokers en propose enfin une sortie en salles françaises pour accompagner la réouverture des cinémas en France (dès le 22 juin). Cruel mais réaliste, humaniste mais sans filtres, ce long-métrage coréen s’entiche d’un scénario convenu pour mieux confronter ses spectateurs aux dures réalités qui jalonnent parfois l’existence de ces animaux domestiques.
Résumé : Le chien est le meilleur ami de l’homme. Affectueux, fidèle… mais lorsqu’il vieillit ou se comporte mal, il est abandonné comme un mouchoir souillé. Et lorsqu’il se retrouve seul face à la nature, son instinct animal reprend le dessus. L’esprit de meute également. Solidaire, déterminée, notre petite bande de chiens errants va peu à peu réapprendre à se débrouiller seule. Et découvrir la liberté.
Arborant une esthétique hybride, entre décors aux allures de peintures chatoyantes et des personnages modélisés en 3D, le second film du duo coréen flatte la rétine même si les chiens peuvent parfois donner l’impression d’être animés avec rigidité. La grande palette colorimétrique du film (à l’image de certains chiens qui sont parés de couleurs vives) dépose un voile d’innocence sur la cruauté d’un scénario ne craignant jamais d’aborder explicitement ses accents réalistes. Nous, les chiens commence comme de nombreuses productions sur les canidés : un jeune chien est abandonné par ses maîtres et doit apprendre à survivre dans un monde hostile. Rencontrant une bande de chiens déterminés à rejoindre un meilleur endroit pour s’épanouir sans les Hommes, source de tous leurs maux, il comprend que l’union fait la force. Dans ces quelques lignes, point d’originalité. Mais c’était sans compte l’ultra-réalisme thématique du film.
Les séquences fortes parsèment le parcours torturé de ces écorchés de la vie sans que le film ne cède jamais au pessimisme qui réduirait sa portée symbolique. Qu’il s’agisse de l’abandon d’un animal domestique, de la pratique de la chasse, des conditions terribles au sein des fourrières, des dangers de la route ou bien de l’omniprésence de la mort, la production coréenne ose tout. Point de sauvetages in extremis lorsque le danger est trop grand : Nous, les chiens s’ancre dans un réalisme pathétique servant au mieux la cause animale.
Contrebalançant la violence de certaines scènes par des idées de mise en scène plus poétiques, la réalisation convainc quasiment tout le temps. Des plans en plongée sur la bande de chiens épuisée jusqu’aux plans serrés sur des fleurs ensoleillées, la caméra suit avec vivacité un chemin de croix rédempteur. En associant la beauté et la violence du monde dans une séquence finale évocatrice (une grenade chute dans un champ de fleurs jaunes), le long-métrage fascine. Glissant de ci de là des références au contexte géopolitique du film (la séquence finale prend place à la frontière séparant la Corée du Sud de la Corée du Nord), la portée symbolique dépasse le simple divertissement propre à divertir les plus jeunes spectateurs. Tous les spectateurs y trouveront leur compte : les plus grands seront touchés par la double-lecture et y regarderont probablement à deux fois avant d’adopter un chiot parce qu’il est « mignon » en oubliant qu’il deviendra grand !
Mieux encore, le film refuse tout esprit manichéen. Même si les êtres humains semblent incarner l’antagonisme parfait pour entraver la quête de liberté des chiens, des figures plus tolérantes et humanistes se révèlent dans la dernière partie du film. L’Homme est source de misères pour les chiens mais peut aussi incarner un espoir salvateur. Alors on pourrait pointer les défauts du film, qui n’en manque pas, mais le propos si charmant les compense allègrement. Le schéma narratif est un brin convenu et accumule les péripéties attendues (l’abandon, la rencontre avec une bande d’alliés inattendus, l’enlèvement et l’emprisonnement à la fourrière, etc.) tout en se montrant un brin naïf dans sa résolution. Peu avare en flash-backs, le récit recourt à l’explicitation pour conter les souffrances originelles des personnages parcourant le long-métrage.
Nous, les chiens n’a rien d’original sur le papier tant il rejoint la pléthore de films contant les aventures de chiens errants mais la production coréenne développe son aventure avec une maturité étonnante. A la différence des autres films sur le sujet, celui-ci ose beaucoup (quitte à surprendre) et flatte la rétine pour se révéler légitime (et essentiel?) Une belle surprise qui devrait rameuter de nombreux spectateurs lors de la réouverture des salles françaises, d’autant plus qu’elle s’adresse à tous les publics !