Oyez oyez, braves gens, venez entendre conter céans les prouesses de la jeune Pil sur vos écrans ! Petit à petit, le studio toulousain TAT Productions s’impose en véritable fleuron de l’animation à la française. Après leur série à succès Les As de la jungle qui mérite amplement sa réputation, et un premier long-métrage aux graphismes détonnants, ils nous avaient offert une aventure au-delà de notre planète avec Terra Willy, à la palette graphique ingénieuse mais à l’intrigue quelque peu étroite. Cette année, le studio français nous propose de découvrir Pil, confirmant encore un peu plus, si c’était nécessaire, les compétences d’une équipe à surveiller de très près (et à soutenir intensément en salles obscures, d’autant plus que le contexte de sortie est des plus compliqués).
Résumé : Pil, une petite orpheline, vit dans les rues de la cité de Roc-en-Brume. Avec ses trois fouines apprivoisées, elle survit en allant chiper de la nourriture dans le château du sinistre régent Tristain, qui usurpe le trône. Un beau jour, pour échapper aux gardes qui la poursuivent, Pil se déguise en enfilant une robe de princesse. La voilà alors embarquée malgré elle dans une quête folle et délirante pour sauver Roland, l’héritier du trône victime d’un enchantement et transformé en… chapoul (moitié chat, moitié poule). Une aventure qui va bouleverser tout le royaume et apprendre à Pil que la noblesse peut se trouver en chacun de nous.
Loin de la jungle luxuriante de l’univers ayant fait leur renommée mais également des espaces stellaires de leur second film, l’équipe créative de TAT Productions nous emmène cette fois-ci au beau milieu d’une ville médiévale au doux nom de Roc-en-brume. Suivant la quête d’une jeune orpheline à l’étonnante détermination, le premier long-métrage de Julien Fournet (après son travail d’une efficacité redoutable sur Les As de la jungle : Le trésor du Vieux Jim, un épisode spécial qui nous avait beaucoup plu) convoque tous les poncifs d’une œuvre chevaleresque pour notre plus grand plaisir tout comme il emprunte des prénoms typiques de l’époque pour caractériser ses personnages (Roland, Aliénor et Tristain, pour n’en citer que quelques-uns). Troubadours, sorcières, catapultes, potions, châteaux et tant d’autres choses encore rythment le parcours semé d’embûches de la jeune héroïne. Mieux encore, le film y va franchement sur les scènes d’action, à l’image d’une bataille inévitable et généreuse en fin de métrage. La mise en scène virevoltante et l’animation de qualité (si l’on omet quelques textures moins convaincantes comme les cheveux des personnages mais aussi les fourrures animales qui sont un peu rigides) finissent d’emballer nos cœurs de spectateurs.
La générosité graphique l’est aussi à l’écriture puisque les personnages, très différents les uns des autres, rencontrent des êtres ridiculeusement hybrides : le « chapoule » entraperçu dans la bande-annonce en est un bon exemple (et il serait dommage de vous dévoiler les contours des autres mélanges improbables concoctés par les créateurs). Résolument drôle, Pil peut compter sur ses personnages haut en couleurs pour faire sourire les plus jeunes, même si le récit est un peu long à démarrer et que la plupart des éléments filmiques se révèlent finalement lors du dernier tiers du film alors que le sens de la dramaturgie s’affine. D’un humour plutôt enfantin jusqu’à des répliques plus universelles, Pil se renforce au cours de l’aventure au même titre que les personnages s’épaississent malgré une tendance à la sur-explication un brin répétitive.
S’il est évident que l’histoire narrée par l’équipe créative toulousaine cible en priorité un jeune public grâce à un enchaînement de péripéties (trop) balisé, un public plus âgé (mais à l’âme d’enfant ravivée par de si belles propositions animées !) appréciera plutôt des situations qui interpellent. Après tout, Rigolin ne se moque-t-il pas ouvertement de la noblesse lors de ses spectacles ? La satire est modeste mais elle a le mérite d’exister d’autant plus qu’elle s’accompagne de clins d’oeil sympathiques (« taper, taper, taper » s’exclame une vieille paysanne lors de la bataille finale : ça vous rappelle quelqu’un ?) C’est par son élégante esthétique que Pil finit de convaincre toute la famille : comment ne pas être charmé lors d’une parade lumineuse au cœur d’une campagne occitane en milieu de récit ? A travers un extérieur salvateur diversifiant les décors de cette aventure médiévale, la patte graphique du film se déploie notamment par l’usage d’une profondeur de champ féconde tout en s’alliant aux rythmes charmants d’une chanson entraînante, reprise lors du générique de fin.
Baignée dans une ambiance médiévale tirée au cordeau, Pil est le héraut du savoir-faire français dans le monde de l’animation. Auréolée d’une maîtrise graphique indéniable, l’aventure proposée par Julien Fournet et son équipe est une nouvelle réussite à laquelle il ne manque plus qu’une universalité de ton salutaire pour atteindre des sommets.
Désormais, il nous faudra être patients avant de découvrir Les Argonautes en 2022, long-métrage chapeauté par David Alaux (Terra Willy) qui prendra place en Grèce antique. L’impatience est réelle !
1 comments On (Critique) Pil, de Julien Fournet
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