Tout vient à point à qui sait attendre. Après d’intenses collaborations au gré de productions enchanteresses, Benoît Chieux s’offre enfin son premier long-métrage, et quel long-métrage ! Accompagné d’Alain Gagnol à l’écriture (lui aussi passé par les studios Folimage), l’artiste français nous entraîne dans une aventure aérienne, au beau milieu d’un royaume des courants d’air aussi surréaliste qu’ensorceleur. Avec cette histoire aux accents traditionnels, Benoît Chieux évoque les pouvoirs infinis de l’écriture dans le travail du deuil tout en contant l’émouvante relation d’une fratrie.
Résumé : Juliette et Carmen, deux sœurs intrépides de 4 et 8 ans, découvrent un passage secret vers Le Royaume des Courants d’Air, leur livre favori. Transformées en chats et séparées l’une de l’autre, elles devront faire preuve de témérité et d’audace pour se retrouver. Avec l’aide de la cantatrice Selma, elles tenteront de rejoindre le monde réel en affrontant Sirocco, le maître des vents et des tempêtes… Mais ce dernier est-il aussi terrifiant qu’elles l’imaginent ?
Comme Alice en son temps, deux jeunes sœurs plongent dans les méandres d’un monde parallèle, un monde construit dans l’esprit d’une amie de leur mère au gré d’ouvrages littéraires. Le royaume des courants d’air retient constamment son souffle à l’idée de subir de nouvelles tempêtes lancées par l’intrigant Sirocco donnant son nom au film. Personnage central du récit, il conserve sa part de mystère jusqu’à l’issue d’une histoire faussement simple. Si les motivations des jeunes filles métamorphosées en chat par la magie d’un objet artisanal s’adressent au jeune public, les contours des mystères scénaristiques toucheront davantage les plus grands. Et ce n’est là qu’une infime partie des différents niveaux de lecture d’un film plus profond qu’il n’y paraît.
En effet, le long-métrage prend véritablement son envol lorsque la chanteuse Selma (Célia Kameni excelle dans le rôle de cette volatile charismatique) apparaît à l’écran dans un opéra envoutant, suspendu dans les airs sous un ciel étoilé. Incarnant à merveille les intentions émotionnelles du film, cette protagoniste animale guide les jeunes filles vers la vérité dans une échappée aérienne en phase avec l’univers mis en scène par une équipe créative inspirée. Les partitions enivrantes de Pablo Pico donnent de l’envergure à cette aventure irréelle tout en offrant l’onirisme musical nécessaire à cette histoire intemporelle. Trop en dévoiler sur les enjeux sentimentaux des personnages serait trop en dire mais il faut savoir que le scénario s’intéresse aux liens indéfectibles entre sœurs.
Forgé dans une fantaisie truculente, Sirocco et le royaume des courants d’air rappelle parfois l’étrangeté des films d’Hayao Miyazaki, toutes proportions gardées. Pittoresques, les personnages secondaires qui traversent le film prêtent à sourire tandis que la faune et la flore du film, réduites à des formes essentielles, fascinent. L’animation 2D, colorée et suggestive, met du baume au coeur et donne déjà envie de retrouver l’exigence artistique du réalisateur et de son équipe sur un nouveau projet au long cours. Les questions que se posent les personnages sur les tenants et les aboutissants de ce monde aux souffles puissants trouvent un écho formidable dans les aplats de couleurs imaginés par l’équipe du film.
Néanmoins, le film a le défaut de sa plus grande qualité : le royaume des courants d’air, si vaste et si intrigant, ne se dévoile qu’en fines touches narratives sans jamais pleinement exploiter son plein potentiel. Qu’il s’agisse des terres traversées (à l’image de l’île des mariés) ou des êtres rencontrés (la faune est d’une richesse incroyable), on regrette parfois de ne faire que les entrapercevoir au cours du voyage. En soixante-quinze minutes, le long-métrage a tant à raconter et à montrer qu’il ne fait parfois que passer… Emportés par les vents, les personnages, les intrigues et les mystères s’agitent pour nous intriguer.
Sirocco et le royaume des courants d’air est la fable rêvée pour terminer l’année en famille. Touchante et inventive, cette production française révèle ses secrets au gré de son histoire onirique dans laquelle l’art se fait thérapie. Le public a succombé aux charmes de ce très beau film au dernier Festival d’animation d’Annecy, et on le comprend ! A notre tour d’être emportés par les vents du royaume des courants d’air !
Rendez-vous le 13 décembre en salles viaHaut et court.