Partir à la découverte d’un film de Pete Docter est toujours une expérience pleine d’émotions. Il avait su insuffler l’humanité aux monstres dans Monstres & cie, nous émouvoir au fil d’un processus de deuil douloureux dans La-Hautavant de nous conter les mécanismes des émotions dans Vice-Versa. Sur le papier, son dernier-né Soul a de nombreuses affinités avec son précédent travail mais lorsque les larmes laissent place au générique de fin, le constat est sans appel : Pete Docter et son équipe dépassent une fois encore les limites de l’expérience cinématographique. Soul est une ode sublime à la vie, aux petites attentions et au potentiel ordinaire de chacun, en faisant résonner l’âme et le jazz dans un titre si évocateur.
Résumé : Passionné de jazz et professeur de musique dans un collège, Joe Gardner a enfin l’opportunité de réaliser son rêve : jouer dans le meilleur club de jazz de New York. Mais un malencontreux faux pas le précipite dans le « Grand Avant » – un endroit fantastique où les nouvelles âmes acquièrent leur personnalité, leur caractère et leur spécificité avant d’être envoyées sur Terre.
Graphiquement irréprochable (c’est à se demander si les équipes créatives de chez Pixar Animation Studios arrêteront un jour de repousser les limites entre animation et réalisme), le long-métrage américain est le fruit d’une hybridation charmante entre l’ultra-réalisme d’un décor urbain pour suivre la vie du professeur de musique, Joe Gardner, et la stylisation cartoonesque du « Grand Avant », cœur des âmes en devenir. Au perfectionnement graphique du premier (la gestion de la lumière dans une rue américaine ou dans un club de jazz en sous-sol est remarquable et fascinante) s’ajoute l’inventivité du second à l’image des dirigeants au cœur du Grand Avant qui font évidemment penser à la Linéa, cette série des années 70 chapeautée par l’italien Osvaldo Cavandoli. Malléables à souhait, ces personnages homonymes (ils portent tous le nom de « Jerry ») savent aussi s’imbriquer dans les décors plus réalistes du film lorsque l’un d’eux entreprend une quête dans notre monde réel. Mais que serait une si belle coquille animée sans un scénario aux contours affinés ?
Peu de choses, cela est vrai, et nous sommes loin de la magnifique coquille un peu vide qu’était Le Voyage d’Arlo de Peter Sohn. Fort heureusement, le récit concocté par Pete Docter, Mike Jones et Kemp Powers est subtilement construit pour déclencher l’inévitable effusion lacrymale de spectateurs plus âgés que d’ordinaire. S’il est évident que les plus jeunes sauront apprécier les tribulations colorées des personnages dans le Grand Avant, force est de constater que Soul s’adresse avant tout aux plus grands. Avec son propos humaniste et méditatif, le film devient une véritable ode au carpe diem que la société moderne nous empêche parfois d’atteindre. Même si le récit comporte son lot de twists amusants qui impliqueront les jeunes spectateurs, à l’image de la situation caustique entre Joe et un chat thérapeutique, le cœur du récit n’en reste pas moins chargé en symboliques dès lors que le film passe la frontière spirituelle.
D’ailleurs, l’intelligence du récit est tenu jusqu’au plan final, après un climax subtilement touchant au contact d’un piano faisant ressurgir les souvenirs. Au lieu de traîner en longueur en dévoilant le devenir de chacun, le film privilégie une fin ouverte abrupte qui laisse pensif et invite à repenser notre propre manière de voir le monde. Dans Soul, simplicité ne rime pas avec facilité mais avec bien-être. Cette pureté narrative se retrouve quelque part dans les deux bandes originales conjointes composées par Jon Batiste pour les partitions jazz et par le duo Trent Reznor et Atticus Ross pour le « Grand Avant ». La douceur des mélodies déposées sur les instruments peut ainsi laisser place à la poésie des sentiments… Sans ambages, la mise en scène et ses accompagnants scénaristiques et sonores bâtissent une oeuvre sensorielle.
Vous l’aurez compris, le dernier projet en date des studios Pixar Animation Studios est l’incarnation même du chef d’œuvre animé. Exigeant sur tous les plans tout en privilégiant paradoxalement la simplicité narrative et musicale, visuellement bluffant et définitivement essentiel pour conclure cette année si éprouvante, Soul se hisse d’ores et déjà dans le top cinq des plus grandes réussites du studio. Dire que l’on attend avec impatience le prochain univers de Pete Docter est un véritable euphémisme tant sa filmographie est exempt de mauvais films.
Critique rédigée par Nathan