On avait laissé Rasmus A. Sivertsen sur une demi-réussite en 2023, Le lion et les trois brigands, qui lui avait permis de renouveler quelque peu son cinéma à travers une dimension musicale enjouée et une esthétique plutôt soignée. Nouvelle production du studio Qvisten Animation (co-créé par Sivertsen), Super Lion a des intentions louables et originales (d’autant plus qu’il s’agit là d’une histoire inédite, fait assez rare pour un réalisateur qui adapte majoritairement des textes pré-existants) mais manque tellement d’ambition qu’il en restreint ses enjeux. Une oeuvre (trop) modeste qui embarquera le (très) jeune public dans une aventure mesurée pour leur transmettre des valeurs bienveillantes !
Résumé : Evie, 11 ans, n’est pas une fille ordinaire ! Elle jongle entre l’école, ses amis, et sa passion pour les jeux vidéo. Mais chut ! Elle a un incroyable secret : son papa est Super Lion, le super-héros le plus cool de l’univers… Ce sera bientôt à son tour de montrer ses pouvoirs et de plonger dans l’aventure la plus folle de sa vie. Préparez-vous, Super Evie arrive !
Tout commençait pourtant sous les meilleurs auspices avec une séquence d’action au coeur de la ville d’Evie et son père, ce dernier venant à la rescousse des habitants dans son costume de « Super lion ». Auréolée d’un charmant hommage aux BD avec des onomatopées apparaissant à l’écran, cette entrée en matière laissait présager une agréable aventure. Une poussette dévalant des escaliers rappelle même malicieusement Le cuirassé Potemkine d’Eisenstein : un clin d’oeil que sauront apprécier les spectateurs plus âgés. Malheureusement, dès lors qu’Evie entre en scène, le métrage s’enlise dans une histoire balisée aux séquences cousues de fil blanc et plus aucune scène d’action ne se hissera à la hauteur de l’entrée en matière du film. Construit à hauteur de (jeunes) enfants, le long-métrage fait tout un plat de scènes lambda en misant principalement sur l’humour (facile) et les bons sentiments. Ce n’est pas une catastrophe, loin de là, mais on aurait préféré découvrir une oeuvre plus universelle.
Les intentions narratives et sociales de Super Lion sont intéressantes, mais elles succombent rapidement au cruel manque d’ambition d’une histoire qui tourne en rond, en plus d’être fort prévisible. Le jeune public auquel il s’adresse (enfants à partir de 4 ans) se contentera sûrement des enjeux famélique du récit, mais l’invraisemblance généralisée de cette histoire laissera les grands enfants de côté. L’initiation d’Evie à son héritage super-héroïque et son ouverture au « monde » est agréable puisqu’il permet à l’équipe créative d’aborder des thèmes importants tels que le poids de l’héritage mais aussi l’importance d’affirmer ses propres compétences. C’est en utilisant ses capacités informatiques et vidéoludiques dans son combat contre le danger qu’Evie parvient enfin à endosser le rôle qui lui est imposé. C’est gentiment naïf, mais ces messages sont parfaitement adaptés au jeune public.
Sur le plan graphique, le film de Rasmus A. Sivertsen est à l’image du scénario : fainéant. L’animation fort modeste (en images de synthèse), resserrée sur une petite ville scandinave et quelques rares personnages déçoit quelque peu par rapport au Lion et les 3 brigands sorti l’an dernier (mais réalisé après Super Lion, ce dernier ayant vu sa sortie être repoussée à plusieurs reprises dans les salles françaises !) Difficile de bâtir de véritables enjeux narratifs sans réel danger. Un exemple parmi tant d’autres : alors qu’une menace (mesurée) inquiète la ville, une journaliste TV affirme que « toute la population est prise de panique », suivi d’un plan sur un seul homme courant au centre-ville… Dans Super Lion, tout est à petite échelle – les décors sont désespérément vides – alors qu’une aventure super-héroïque nécessite des péripéties hyperboliques ! Même le character design est à la traîne (le costume de Super Lion manque tellement d’inspiration…) Tous les poncifs y passent, y compris la séquence d’entraînement sur un titre de Bonnie Tyler (on ne compte plus les films d’animation convoquant ce « Holding out of a hero » pour illustrer une séquence de combativité). Se pose alors une question centrale à l’issue du visionnage : quelle est l’âme de Super Lion ?
Au final, Super Lion est un film d’animation lambda qui ne parvient jamais à exhiber ses particularités. Si les bons sentiments et le regard sur nos sociétés ultra-connectées sont plutôt pertinents, le nouveau long-métrage du prolifique Rasmus A. Sivertsen est bien trop imparfait pour enthousiasmer l’ensemble de la famille. Les plus jeunes s’en amuseront, les plus grands s’ennuieront ferme.
Rendez-vous en salles le 8 mai via KMBO.