Petit à petit, il semblerait que l’on soit entrain de perdre le génie de Kelly Asbury. Alors qu’il était à la pointe de l’innovation lorsqu’il travaillait pour DreamWorks Animation, il n’a de cesse, à présent, de perdre en superbe. Après un opus fort dispensable sur les schtroumpfs pour Sony Pictures Animation en 2017, il revient avec Uglydolls, histoire de poupées « moches » en quête d’un avenir radieux. Une production Reel FX Creative Studios que l’on oubliera probablement vite tant elle manque de personnalité. Un long-métrage juste divertissant, pour un public ciblé.
Synopsis : À Uglyville, on aime tout ce qui est bizarre, on célèbre les particularités et la beauté cachée ailleurs que dans les apparences. Moxy, une drôle de petite créature à l’esprit libre, et ses amis les UglyDolls vivent chaque jour dans un tourbillon de joie et de bonne humeur, savourant la vie et ses possibilités infinies. Moxy est parfaitement heureuse dans cet endroit où personne n’est comme tout le monde. Mais sa curiosité naturelle la pousse à se demander ce qui peut bien se trouver de l’autre côté de la montagne où se niche Uglyville. Accompagnée de ses amis, elle va découvrir un autre monde…
Les différentes bandes-annonces laissaient présager une aventure cousue de fil blanc à l’animation sommaire, le résultat n’est pas si éloigné de ces prévisions. Autour d’un scénario un brin convenu – une poupée « moche » rêve d’être adoptée par un enfant – qui n’est pas sans rappeler la saga Toy Story des studios Pixar, l’équipe créative bâtit une aventure dynamique. Si l’originalité fait clairement défaut à ce long-métrage parce qu’on pense souvent aux Trolls des studios DreamWorks Animation, le film sait parfois se montrer convaincant en déroulant un propos essentiel pour les enfants ciblés par le film. L’apparence ne doit pas conditionner l’appréciation d’un être ou son ambition : l’idée est convenue (et utopique ?) mais elle a le mérite d’être traitée frontalement par Uglydolls. D’ailleurs, la séquence finale, moins outrancière que le reste du métrage, clôt le scénario avec justesse.
Pourtant, le scénario est surtout un prétexte pour accumuler les séquences musicales à la mise en scène kitsch. Qu’il s’agisse d’une séquence de relooking aux fonds fixes (restriction budgétaire ?) ou le traditionnel titre destiné à motiver le personnage principal à aller de l’avant au beau milieu d’une vague de miroirs (« Unbreakable » entonné par Kelly Clarkson & Janelle Monaé), les fautes de goût s’enchaînent à un rythme frénétique. Cette primeur donnée aux séquences musicales est d’autant plus frappante que le récit peine à avancer et nous sort la vraie base du pitch du film au bout de quarante-cinq minutes seulement comme s’il s’agissait d’un twist – le fait que les poupées moches soient inadaptées à l’adoption enfantine. Du coup, les scénaristes d’Uglydolls cantonnent le film à une succession de scénettes musicales qui empêchent les personnages d’exister. La bande de poupées/peluches qui pénètre la ville de Perfection au début du film pourrait se révéler attachante si les individualités étaient célébrées. Seule Moxy, la poupée principale, parvient à exister à l’écran en dehors des stéréotypes attendus. Ses comparses, quant à eux, se résument à quelques traits de caractères exagérés (on pense notamment au chat doublé par Pitbull qui doit paraître « cool » en toutes circonstances).
Cette caractérisation était pourtant essentielle car les autres personnages, les êtres « parfaits », sont irritants au possible, à l’image de leur ville, aussi vide que terne. En faisant le choix de créer une ville aussi fade, les animateurs célèbrent Uglyville qui, quant à elle, resplendit. Malheureusement, en plaçant la majeure partie de l’action du film à Perfection, l’on ne profite pas vraiment de l’autre ville, pourtant plus intéressante. On apprécie par exemple la dépression qui s’empare de la ville des poupées laides et qui est à l’origine de scènes comiques inattendues dans le dernier tiers du film. On se prend alors à rêver d’un film qui aurait fait de meilleurs choix lors de son écriture. L’animation est pourtant soignée dans l’ensemble même si le character design laisse à désirer…
Au final, Uglydolls est une friandise estivale (assez belle mais un peu vide) qui ne parvient pas à se démarquer de ses influences. Si le visionnage demeure divertissant – à condition que l’on supporte les innombrables chansons pop qui parcourent l’intrigue – le film ne marquera pas l’Histoire du cinéma d’animation (en avait-il seulement l’ambition ?) Quand Kelly Asbury renouera-t-il enfin avec l’inventivité qui le caractérisait à la barre de Shrek 2 ?
Critique rédigée par Nathan