Cela fait maintenant quelques années que @sandiemartins sur Twitter me tanne pour aller découvrir les joies de la nuit de l’animation en cette douce contrée qu’est la rude et froide Lille, capitale du Grand Nord, avec son welch, sa bière et ses 27° de moyenne en moins que la normale française. N’ayant point pu y aller les années précédentes et mon cours de poney sous-marin étant annulé, je me suis laissé tenter par l’aventure. Après tout, neuf heures d’animation en commençant à 21h un samedi, que pouvais-je risquer ?
Mais la Nuit de l’Animation, qu’est-ce que c’est David ?
C’est une bonne question jeune lecteur ! La Nuit de l’Animation, c’est une partie spécifique d’un événement plus grand : le Festival International du Court-Métrage de Lille. Marathons, compétition, brunch, sont autant d’autres activités que vous pouvez y découvrir, lors de cette semaine dédiée au court-métrage dont se tenait la seizième édition cette année.
Et donc, on y fait quoi pendant cette Nuit de l’Animation ? Et bien on pose ses jolies petites fesses au Théâtre Sebastopol (je conseille d’y aller rien que pour voir la bâtisse qui en jette un max) et on déguste goulûment une nuit entière de courts-métrages, mais aussi de long métrages, en animation dans des styles bien différents, que ce soit techniquement comme… moralement. Le tout étant divisé en trois parties distinctes, dont la coquinerie et le gore verra son taux augmenter au fur et à mesure que la nuit engloutira votre sommeil.
Comme je suis bon joueur, et partageur, je vais donc vous conter ma première édition.
Partie 1 : Où la fleur et le fusil sont distribués à l’entrée d’un théâtre
C’est donc après quelques siestes, un reste de grippe et un japonais à volonté que je me suis installé dans mon siège, avec la ferme intention d’en découdre. L’ambiance est folle, non pas sans rappeler celle du Festival d’Annecy, et on sent bien que tout le monde a envie de bouffer de l’animation. Le présentateur débarque, ça hurle, les festivités vont pouvoir commencer.
Et elles débutent par un court-métrage des élèves de troisième année de l’école Waide Somme, sur le thème du coup de foudre. Un peu de poésie visuelle, pour un potentiel certain, on ne crache pas dessus, clairement.
Puis le chahut se fait plus fort encore, car c’est au tour de la diffusion de pas un, pas trois, mais DEUX épisodes de la série française pour adultes Lastman. J’en avais entendu du bien sur Annecy auprès de Nicolas et je dois bien dire que c’est une bonne grosse baffe que je me suis pris sur le coin du râble. L’ambiance visuelle déchire, y’a de la bonne vieille répartie cinglante et le tout daube une classe qu’on ne voit que rarement sur notre médium préféré. Ça mélange les genre, ça envoie de la bonne vieille patate de forain, le tout saupoudré d’un peu de fantastique et de mecs qui s’appellent Jean-Pierre, pfiouu. Seul défaut ? Ne pas avoir la suite !
L’excitation est bien là, en tout cas, pour entamer la session courts-métrages. Force est de constater que la sélection de cette première partie est éclectique, même si la tendance qui se dégage est le fun ! De ce lot, je retiendrais surtout l’excellent Jabberwocky feat. Ana Zimmer de Ugo Bienvenu et Kevin Manach, d’où est tirée l’affiche de cette édition, qui dégage une puissance et une poésie complètement dérangeante et délicieuse, mais aussi l’hilarant Vivre avec… même si c’est dur ! de Magali Le Huche, Pauline Pinson et Marion Puech qui est composé de scénettes sur des animaux aux défauts improbables. Mention spéciale à l’ours, les vrais savent.
Puis vint la conclusion de cette première partie, la diffusion de Vice Versa des studios Pixar. Il n’est qu’à peine 23h, que j’entends déjà autour de moi des gens élaborer des stratégies pour pouvoir tenir toute la nuit, qui sont presque toutes basées sur le fait de dormir devant le petit bijou de Pete Docter Ronnie del Carmen. Quelle idée… quoi de mieux pour entamer la nuit qu’un film drôle et émouvant comme celui-ci ? En tout cas, vous pourrez retrouver ma critique ici.
Partie 2 : Où l’innocence de l’homme n’a d’égal que sa capacité à sombrer
A la fin de la première partie, une fois le générique pixarien terminé, on nous annonce que l’on dispose d’un break de 25 min avant le retour au charbon. Les plus faibles d’esprit paniquent, courent aux toilettes ou au bar pour glaner un peu de liquide caféiné, et c’est une véritable cohue qu’il faut affronter pour sortir s’aérer un peu. Moi ? Je suis confiant. Il est minuit et je suis l’image même de la fringance. Une cigarette au bec, quelques tweets envoyés avec le compte officiel de Focus et je suis prêt pour la suite des événements, qui s’annonce plus étrange, jeunesse évanouie oblige.
Et étrange, cette seconde portion le fut, à n’en pas douter ! Les 9 courts-métrages que nous avons pu engloutir goulûment pendant près d’une heure nous ont donné leur lot de bizarreries, à en rassembler à la tristement célèbre section Off Limit du Festival d’Annecy. Le fun a laissé place aux délires psychotiques, pour mon plus grand plaisir.
J’y retiendrais surtout l’excellent Lucky de Kirsten Carina Geisser et Ines Christine Geisser qui, sur une animation ultra basique à base de dessins fait au feutre, nous raconte l’histoire d’un cheval maltraité, mais pas que. C’est puissant, contrasté, bercé de divin chevalin et clairement excellent. Edmond de Nina Gantz ne m’a pas non plus laissé indifférent avec l’histoire de cet homme cannibale à la vie vraiment pas simple, pour un ensemble délicieux d’humour bien noir.
A ce moment là, il est presque 1h du matin et les plus faibles sont déjà tombés au combat. Les plus vaillant d’entre nous, eux, s’apprêtent à affronter The Empire of Corpses de Ryotaro Makihara. On nous l’a présenté comme un film de zombies étrange, qui puise dans la littérature anglaise… et bien au final c’est un résumé qui se tient, même si puiser est un mot bien faible, tant la production japonaise est inspirée. En tout cas, le film de deux heures fera l’objet d’une critique à part de ce compte-rendu et je peux vous dire qu’il fut éprouvant ! Comme si les personnes qui ont fait la sélection cherchaient à élaguer le menu fretin du public… En tout cas, ce dernier break de 25 minutes arrive à point nommé.
Partie 3 : Où l’on apprend qu’on peut vivre d’amour et de café chaud
Terminer la partie précédente avec un film comportant des mort-vivants ne pouvait pas être plus représentatif du paysage que je pouvais voir devant le Théâtre Sebastopol… la foule auparavant si vaillante semblait maintenant être en attente de casting pour la prochaine saison de The Walking Dead. “Amateurs !” me disais-je, en les toisant d’un regard empli de dédain de trentenaire qui lutte pour sa survie, une cigarette dans chaque narine et 3l de café bu goulûment à la paille. Je ne comptais pas tomber au combat.
La pause terminée, mon siège retrouvé, on nous introduisit maintenant la dernière et tant attendue partie. Sans aucune ambiguïté, c’est du cul et du dérangeant qui nous est annoncé, alors que l’on s’approche des 4h du matin. Et on ne s’est pas moqué de nous.
Entourant deux épisodes de la géniale série Les Kassos, mettant en avant Totogro, les Teleboubizes et Bonne nuit les chiards, c’est tout un lot de court-métrages absolument WTF qui nous sont proposés. Difficile de vraiment dire ceux qui ont eu ma préférence, tant le niveau d’absurdité et de délectation était important. Decorado de Alberto Vazquez et son ambiance glauque mettant en avant une histoire digne de The Truman Show, mais avec des animaux malsains, m’a clairement marqué et fait rire.
Moms on Fire de Joanna Rytel et ses femmes enceintes qui s’amusent charnellement, même si le vice aurait clairement pu être poussé, possède un petit côté dérangeant qui fait plaisir. Et que dire de Ivan’s Need, de Manuella Leuenberger, Veronica L. Montano et Lukas Suter, hormis que sa sensualité absurde de pétrisseur de pâte en a fait glousser plus d’un dans la salle. Non vraiment, presque tous les courts de cette session aurait mérité que je m’y penche plus, tant le niveau était excellent.
Et enfin, vers 5h du matin, arriva le moment qui m’a réellement motivé à venir mourir sur un siège de théâtre nordique : l’avant-première de La Vengeresse, le dernier film de Bill Plympton, en collaboration avec Jim Lujan. Je n’en ferais pas une critique complète, car Muriel s’en est déjà chargé, mais je vais tout de même en parler un peu.
C’était une de mes grosses attentes, depuis ma découverte il y a quelques années de la filmographie de Plympton. Une ambiance particulière, du jeu de perspective, un aspect visuel que j’aime beaucoup, sont tant d’éléments qui suffisent à me motiver pour découvrir toujours plus le travail de cet artiste. Sauf qu’au final, je ne peux pas m’empêcher d’être un brin déçu par ce polar bien trop gentillet à mon sens.
L’histoire, même si elle est placée dans un contexte particulier, m’a semblé bien trop classique et hormis quelques passages véritablement jouissif, j’ai trouvé l’ensemble un peu sage. Bon, ça reste un moment agréable, régulièrement très drôle et bourré de clins d’oeil délicieux, mais je ne sais pas… je suis resté sur ma faim. Une sensation qui a surement été amplifiée d’ailleurs par un changement de technique visuel que j’ai trouvé peu mature par rapport au reste de sa filmographie.
Mais voilà, la fin de cette nuit animée sonnait au fur et à mesure que les noms au générique défilaient, me rappelant ainsi que j’avais maintenant 45 minutes de marche jusqu’à mon lit tant désiré. L’occasion de faire un bilan de ma première participation à cet événement particuliers et sportif.
Calmement, on se remémore chaque instant (en se sentant avoir 50 ans).
Les années précédentes, je trouvais la programmation un peu trop calquée sur le Festival d’Annecy et comme ceux qui nous lisent le savent, je suis du genre à mater le plus possible pendant ma semaine en Haute-Savoie, du coup pour l’originalité… Mais pour cette seizième édition, je dois avouer que j’ai été emballé directement à la lecture du programme !
Et je ne regrette absolument pas d’avoir bataillé toute la nuit et de m’être plombé la forme pour la semaine suivante, tant j’ai trouvé que l’événement était de qualité. Une grosse ambiance, du fun, mais aussi beaucoup de court-métrages qui m’ont enthousiasmé et rattrapent amplement mes deux déceptions sur les longs.
Est-ce que je reviendrais ? Assurément, même si ma vieille carne me répète sans cesse que je suis trop vieux pour ces conneries. Mais hey, rien que pour voir tes potes dormir comme des petits cacas au milieu de la nuit tout en se tapant des barres, ça vaut le coup !