Netflix et le cinéma d’animation : une success-story qui ne fait que commencer. Après l’incroyable Klaus qui dynamisait l’animation mondiale avec une esthétique léchée et un récit parfaitement adapté aux fêtes de fin d’année sans se reposer sur les conventions du film traditionnel, Netflix rempile ! La famille Willoughby, réalisé par Kris Pearn (à qui l’on doit la réussite très modeste de Tempête de boulettes géantes 2 : L’île des Miam-nimaux) & Cory Evans, est une jolie aventure qui n’arrive pas au niveau de son comparse présenté sur Netflix en 2019 mais qui plaira quand même à tous les publics en ces temps confinés.
Résumé : Les quatre enfants Willoughby sont abandonnés par leurs parents et doivent adapter leurs valeurs morales de la vieille école au monde contemporain.
Force majeure du film : sa palette graphique. Arborant une esthétique singeant la stop-motion, le long-métrage américain est charmant et original. Cheveux en laine, prédominance importante des ombres, palette colorimétrique décomplexée : autant d’idées graphiques qui rendent le film fascinant même si l’on avait déjà observé le recours aux textures « tactiles » dans la saga Trolls des studios DreamWorks Animation. Chaleureusement mis en scène, l’apparat du film contrebalance l’âpreté des rapports familiaux de cette famille atypique. Rares sont les films qui osent aborder la maltraitance enfantine même si les scénaristes le font ici avec humour. Le propos a parfois des accents inquiétants, d’autant plus que le film est sorti en plein confinement mondiale et que certains cadres familiaux se révèlent anxiogènes pour ne pas dire violents. Sarcastique et cynique, la production Netflix réussit brillamment son pari lorsqu’elle embrasse pleinement son décalage humoristique face à un tel sujet.
Trépidant, le film n’accuse aucun temps mort en alternant les scènes entre les enfants Willoughby et leurs parents. D’ailleurs, les scènes sur les deux figures immorales que sont les parents de la fratrie sont probablement les plus drôles du film. En excursion, ils permettent une plus grande diversité graphique et des situations improbables propices à l’humour cartoonesque dont s’emparent les réalisateurs. De la même façon, La Famille Willoughby surprend lorsqu’il porte un regard critique sur les vices de notre société, à l’image de la place que prend la technologie dans nos vies lorsque les deux Barnabé (plus jeunes membres de la fratrie) sont adoptés par un couple d’aficionados du virtuel. Toutefois, au-delà de ces grandes qualités, la production ne peut s’empêcher de recourir à des ressorts traditionnels qui réduisent sa singularité.
Les familles atypiques aux relations parents-enfants conflictuelles peuplent les productions animées depuis des années (rien que cette année, nous avons eu droit à La Famille Addams mais nous pensons également à Hôtel Transylvanie) et cette nouvelle famille ne se détache pas assez pour justifier son existence, tout comme le fil narratif principal, sur leur avenir familial, est cousu de fil blanc. Le scénario essaye bien de nous faire croire dans son dernier quart que les gens peuvent changer mais la famille recomposée s’esquisse trop rapidement dans le film pour surprendre un spectateur expérimenté : difficile de ne pas comprendre comment s’achèvera cette quête familiale. Mais l’on ne peut que saluer le choix de faire des parents des êtres constants.
Evidemment, la morale privilégiant les liens affectifs aux liens du sang est essentielle mais n’est-elle pas trop convenue ? Était-il pertinent d’insérer un bébé orphelin pour déclencher l’intrigue ? Pas forcément. Fallait-il recourir à une chanson émouvante (véritable convention du film « pour enfants ») pour accompagner le climax du film ? Non plus. Le long-métrage est perfectible parce qu’il semble avoir du mal à se départir des modèles du genre. Preuve en est la présence de Maya Rudolph au casting vocal qui est entrain de devenir une habituée des productions animées (Big Mouth, Bless the Harts, et tant d’autres encore) Même si son personnage manque de profondeur, elle demeure un bel exemple de bonté pour les jeunes Willoughby et s’érige en garante de la bienveillance (et cela fait du bien en ces temps sombres). Au fond, La Famille Willoughby aurait brillé s’il avait été aussi beau qu’impertinent.
Coloré, déluré et dynamique, La Famille Willoughby manque de singularité narrative. En revanche, son apparat graphique détonnant et ses personnages touchants font de lui un must-see de la plateforme de VOD. On aurait juste aimé que le film ose aller plus loin dans sa gestion de ses thèmes originaux pour s’affranchir des films ayant précédé. Mention satisfaisante !
Critique rédigée par Nathan