(Sortie vidéo) On-Gaku de Kenji Iwaisawa

Les victimes de la pandémie sont nombreuses et l’heure est venue de vous parler de l’une d’entre elles, injustement boudée en salles à cause d’une situation sanitaire complexe. On-Gaku : notre rock, distribué par les passionnés de chez Eurozoom, est une proposition résolument déstabilisante. Simpliste et déroutante, elle a de quoi révéler un nouveau talent, maître ambitieux à bord de son œuvre, Kenji Iwaisawa. A l’occasion de la sortie en vidéo du film, profitons-en pour revenir sur cette étrangeté fascinante et son édition vidéo fournie !

Résumé : Une bande de lycéens marginaux menée par Kenji décide de créer un groupe de musique, sans savoir jouer. Le groupe Kobujutsu est né.

(c) Eurozoom

Peut-être faut-il remettre les choses en contexte ? Derrière son esthétique sobre aux teintes pastel se cache une œuvre longuement bâtie par un artiste exigeant ayant fourni un travail de longue haleine (plus de sept ans de production!) Si les traits sont parfois sommaires et les plans fixes légions (après tout, le personnage principal est un roc mutique qui s’anime au fil du récit jusqu’à l’émancipation finale), l’apparat graphique contraste avec l’uniformisation parfois éreintante des animés asiatiques. Les personnages aux yeux « en forme de poissons » ne peuvent donc que nous interpeller tout comme le recours presque auteuriste aux plans fixes (dûs a des nécessités probablement économiques mais qui ont le mérite de servir le propos filmique). Mais prenez garde, le film est subtilement agité en témoigne la partition finale graphiquement brouillée et tremblante au fil des notes torturées du groupe récemment formé.

On-Gaku est de ces films qui parviennent à métamorphoser un matériau somme toute classique (l’histoire tient en quelques mots) en une expérience de cinéma atypique grâce à des personnages qui questionnent (dès l’introduction du film, Kenji s’impose sans dire un mot et définit les contours d’un être presque indifférent au monde lorsqu’il assiste passif à une attaque qui se déroule hors champ). Rapidement, le spectateur se prend au jeu graphique et à l’étrangeté générale du long-métrage aux accents surréalistes. On pense alors à l’envoûtante scène de musique primitive plongeant un personnage secondaire dans une rêverie inouïe ou aux décrochages crayonnés incarnant la puissance du rock. Objet de fascination, le groupe Kobujutsu interpelle et le ton résolument dissonant fait souvent sourire le spectateur prêt à plonger dans cette bizarrerie filmique. Quelque peu hermétique au premier abord, On-Gaku se révèle pourtant être source de drôlerie si tant est que l’on soit réceptif aux décalages fomentés par l’équipe créative.

(c) Eurozoom

En s’autorisant une liberté de ton et d’image créative, Kenji Iwaisawa intrigue énormément et adapte avec créativité le manga de Hiroyuki Ohashi. On-Gaku : notre rock ne plaira sûrement pas à tout le monde mais il serait dommage de se priver d’une œuvre aux accords aussi dissonants qu’intrigants. Et l’objectif d’une œuvre d’art n’est-il pas de nous bousculer avec plaisir ?

ÉDITION VIDÉO

L’éditeur Eurozoom nous a fait parvenir l’édition haute-définition du film (dans un boîtier amaray classique), mais le film sera évidemment disponible en DVD dans toutes les enseignes habituelles.

Comme de coutume, nous avons visionné le film sur un écran OLED 4K. 

Image & son : graphiquement, On-Gaku n’est pas le film le plus vif ni le plus exigeant qui soit. Résultat, l’esthétique pastel voulu par Kenji Iwaisawa sied bien à la haute définition avec des couleurs sobres mais bien retranscrites tandis que les noirs sont profonds, à l’image du costume porté par Kenji. L’édition bluray du film est donc parfaitement adaptée pour (re)découvrir le film chez vous après une (trop) courte carrière en salles.

Du côté du son, une seule piste est proposée sur la galette vidéo : DTS-HD Master Audio Vostfr 5.1. Elle se révèle éloquente avec une bonne spatialisation et homogénéité, permettant ainsi au spectateur de profiter pleinement de sa séance sans avoir besoin de jongler avec la télécommande affiliée. C’est d’autant plus important qu’On-Gaku est une expérience visuelle ET sonore qui méritait un écrin soigné.

Interactivités : l’édition vidéo ne comporte que deux bonus, mais quels bonus ! Vous y retrouverez un court-métrage du réalisateur (« Montagne ») de 9 minutes, ayant manifestement inspiré l’esthétique d’On-Gaku (les personnages arborent le même regard que les protagonistes de son premier long-métrage), mais également un making-of de taille puisqu’il dure une heure !

Autant dire que ce « documentaire » dans les coulisses de la création du film est une mine d’or pour tous ceux qui auront apprécié le récit de Kenji et ses amis. Véritable plongée dans la production du film, de ses prémices (l’idée d’adapter le manga) à sa présentation en salles 7 ans après. La réalisation sincère et proche des créatifs à l’oeuvre permet de découvrir étape par étape l’histoire prendre vie. Storyboards, tournages en prises de vue réelles avant la recréation par les dessins (avec un caméo du mangaka Hiroyuki Ohashi) ou même travail de la musique, de nombreux jalons de la création filmique sont abordés. Evidemment, la scène du festival de rock est au coeur du documentaire puisqu’elle constitue le climax révélateur du scénario et a demandé une logistique conséquente pour exister. Finalement, s’il y a bien un bonus qui mérite votre attention, c’est ce « making-of » deluxe !

Amateurs de propositions atypiques, On-Gaku est donc fait pour vous et l’édition vidéo joliment composée par Eurozoom est riche en plongées dans les coulisses de sa création. Alors, pourquoi s’en priver ?

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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