Sorti en 1983, le film mythique de Ralph Bakshi (à qui l’on doit une adaptation modeste du Seigneur des anneaux en animation) sort enfin en haute-définition sur le sol français (le film est disponible depuis 2009 aux USA…) via le distributeur AB Vidéo. Sobrement intitulé « Fire and Ice » dans sa version originale alors que le titre français met en avant le prénom de la princesse du film, le long-métrage fleure bon les années 80 mais aussi la dark-fantasy et peut encore aujourd’hui (re)trouver son public.
Résumé : Lors d’une ere glaciaire, Nekron, le demon maitre des glaces, enleve Tygra, la fille du roi Jarol, gardien du feu.
Film old-school (il suffit de regarder les copies du film et le « grain » persistant pour s’en convaincre), Tygra, la glace et le feu peut compter sur l’universalité de son récit (après tout, le scénario nous sert une énième lutte du bien contre le mal, remplaçant les forces obscures et lumineuses par la glace et le feu) pour s’assurer de plaire au public auquel il s’adresse. Univers de fantasy oblige, la brutalité et le bestiaire renforcent une histoire un brin simpliste – un personnage stéréotypé et héroïque s’engage pour libérer le royaume d’une menace grandissante aux côtés d’une princesse dont il s’éprend. Pieuvre géante, hommes animalisés, morts-vivants et autres « dragonaigles » (sortes de ptérodactyles) rythment la quête narrative. Bien que l’animation soit imparfaite et datée (rappelons au passage que le film a été réalisé en rotoscopie en présence d’acteurs bien réels), elle n’en demeure pas moins charmante puisqu’elle évoque tout un pan de l’animation de son temps.
Presque cousue de fil blanc, l’intrigue intéresse surtout parce qu’elle ose une violence narrative cohérente avec l’univers dépeint. Les morts sont nombreux (même si le sang est rarement montré) et les combats multiples dans un univers vacillant entre animalité et civilisation. Tandis que les citoyens du « feu » privilégient la civilisation, les « hommes-bêtes » des glaciers évoquent l’impulsivité sanguinaire de l’Homme. D’ailleurs, le film est avare en dialogues dans son premier tiers, comme pour célébrer l’animalité du monde représenté, au profit de musiques anxiogènes et de bruitages affiliés. Enfin, l’intrigue peut compter sur un antagoniste follement déterminé (Nekron) pour nous emporter dans cette histoire qui file à grande vitesse (au risque de sacrifier certains développements narratifs ?)
Objet de son temps, Tygra, la glace et le feu se permet des designs ou des fils narratifs qui seraient aujourd’hui surprenants (quoi qu’il est difficile de ne pas penser à Rahan lorsque l’on découvre le héros du métrage). Tygra est une héroïne peu passive (hourra!) mais elle doit vivre toute son aventure en bikini (vous avez dit sexualisation ?) Nous ne verrions plus cela de nos jours, ce qui renforce l’aspect suranné d’un long-métrage hors de notre temps. Sans fioritures, le récit s’achève finalement en grande vitesse après 75 minutes de fureur.
Tygra, la glace et le feu est un objet de curiosité nostalgique pour les spectateurs d’aujourd’hui. Rares sont les films d’animation de dark-fantasy au XXIème siècle, d’où l’importance de (re)découvrir une œuvre aux défauts saillants mais aux qualités enivrantes à condition de le voir avec des yeux prévenus et avertis.
EDITION VIDEO
L’éditeur AB Vidéo nous a fait parvenir l’édition haute-définition de la série (dans un boîtier amaray classique), mais le film est également disponible en DVD dans toutes les enseignes habituelles, depuis le 25 août dernier.
Comme de coutume, nous avons visionné le contenu vidéo sur un écran OLED 4K.
Image & Son : l’image HD délivrée par cette édition française est soignée même si elle manque un peu de netteté sur certains plans à cause d’un remaster modéré et d’une copie quelque peu vieillissante. Les scènes assorties de « grain » sont nombreuses dès que la colorimétrie s’assombrit (et les occasions ne manquent pas dans un film aux accents aussi sombres). Mais une chose est sûre, Tygra, la glace et le feu a rarement connu un transfert vidéo aussi convaincant. Clairement, il s’agit là du meilleur rendu graphique pour ceux qui voudraient (re)découvrir le film à la maison.
Du côté du son, le bluray nous propose quatre pistes : VOSTFR Dolby Audio Digital 2.0 ou 5.1, et la même chose pour la langue française. Comme toujours on préférera la version originale à moins que vous n’ayez découvert le film en version française dans votre jeunesse, il serait alors dommage de vous départir des voix si pertinentes du casting français.
Interactivités : une édition un peu maigre par rapport au DVD collector sorti il y a quelques années. Au programme, une seule featurette vantant les mérites du processus créatif. « Journal de bord » dure tout de même 16 minutes et donne la parole à Sean Hannon, l’interprète de Nekron (l’antagoniste principal du film) pour qu’il revienne sur la création du film en 1983 et les enjeux de la rotoscopie.
A chaque fois qu’un classique de l’animation a la chance d’accéder à une sortie en haute-définition, on ne peut que saluer les efforts fournis par les distributeurs. Même si la copie délivrée par AB Vidéo est perfectible et que les bonus se font rare, on ne peut que se délecter de cette ressortie tant attendue. L’heure est venue de partir à la (re)découverte du combat ancestral entre la glace et le feu !